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le roman d’un rallié

des ombres, sans laisser de souvenirs énervants. Ce qui le dominait, c’était la curiosité. Elle montait toujours. Étienne glanait le savoir, par bribes, jusque chez les ennemis de l’ordre social. Il eût voulu faire davantage, pouvoir changer de milieu, vivre des vies différentes. Mais cet éclectisme était son secret : il le cachait si bien, sous des allures irréprochables, qu’à peine quelques intimes se doutaient-ils de son existence en partie double.

La marquise avait la sérénité de l’inexpérience et des convictions trop fortes. Elle pensait qu’un cœur « bien né » est à l’abri des séductions mauvaises et ne s’alarma qu’en voyant son fils revêtir, pour un an, un dolman de chasseur à cheval. Elle n’avait pas craint le mal élégant ; elle craignait le mal grossier. Cette année de service militaire fut pourtant paisible et reposante pour Étienne ; bon cavalier, suffisamment philosophe et aimant le contact des êtres simples, il la vécut toute entière sans secousses et sans accrocs. Il quitta néanmoins ses galons neufs sans regret et reprit ses études au point où, douze mois plus tôt,