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le roman d’un rallié

maintenant sa première enfance, composée, lui semblait-il, de jours bleus et de jours gris, les premiers plus nombreux, les seconds rares, mais si tristes ! Il en gardait des impressions de crépuscule, d’emprisonnement, de détresse sans cause. Des ferments de révolte s’emmagasinaient alors en lui, qui éclataient ensuite à l’imprévu, brusquement. Une fois, il avait fait une scène violente parce qu’un habitant du voisinage — royaliste exalté — s’était permis de dire, à la table de sa mère, que « sous la République, on n’était pas fier d’être Français ». La République, d’après tout ce qu’il en entendait, devait être une très vilaine personne ; mais, d’autre part, il savait comment son père, enrôlé parmi les Volontaires de l’Ouest, était mort pour la France, sur le champ de bataille de Loigny et l’idée qu’on pût rougir du nom Français, soulevait son petit cœur. La marquise, sans approuver de telles paroles, les excusait. Étienne déclara qu’il « tournerait le dos à ce monsieur » quand celui-ci reviendrait au château, et très crânement, il le fit, trois semaines plus tard ; l’incident, vite oublié par les grandes