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le roman d’un rallié

son uniforme neuf, ralliant sa compagnie décimée et chargeant avec cette furie calme qui a rendu son nom célèbre. Trente ans ont passé là-dessus ; c’est de l’histoire. Mrs Herbertson est en beauté ; une traîne d’églantines en diamants étincelle sur son corsage de satin noir qui encadre ses épaules admirables. Elle parle à son voisin de droite, le ministre de Danemarck ; elle a l’accent chantant de Baltimore ; le ministre est un peu distrait par le voisinage des belles épaules. Étienne découvre tout à coup que les deux seuls Européens qui soient à cette table, le diplomate Danois et lui-même, ne ressemblent pas aux autres ; ils pensent à plusieurs choses à la fois ; ils ne se donnent pas tout entiers au délassement de l’heure présente. Ce dîner de quatorze personnes, à peine commencé, paraît aussi animé que le serait un dîner Français aux approches du dessert. En France, même si les convives se connaissent, il y a vingt minutes de réserve, de contrainte : les hommes cherchent ce qu’ils vont dire ; les femmes se comparent entre elles sans en avoir