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le roman d’un rallié

de fois se sont promenés les regards d’Étienne de Crussène. On dirait un pays tout nouveau, sous d’autres cieux. La lumière tombe à flots, les couleurs sont éclatantes : rouge est la terre comme si du sang l’avait imbibée. Les arbres et les buissons se silhouettent en un vert invraisemblable et l’azur s’enfonce, s’enfonce en d’étourdissantes profondeurs. La nature a pris un aspect décidé, définitif, robuste qui manque peut-être de charme féminin, mais qui a sa beauté un peu rude, sa grandeur un peu sauvage. Étienne constate, avec surprise, qu’une fois de plus, ce lieu étrange est en accord intime avec son âme, car, lorsqu’il regarde au dedans de lui, il lui semble que ses pensées sont aussi nettes, ses sentiments aussi tranchés, ses aspirations aussi vastes que le sont les lignes, les objets, les horizons de ce paysage. Il vient, pourtant, de traverser une crise qu’il a surmontée très vite, mais dont il a souffert. Quand, au sortir de l’agitation de Paris, il s’est retrouvé dans sa chère Bretagne, si calme, si immuable, subissant les enveloppantes insinuations de cette terre douce