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le roman d’un rallié

vaient en lui ces sensations banales, son âme planait haut, haut, dans des espaces insondables, à travers des éthers infinis, et Mary s’y trouvait avec lui. Il avait laissé en bas tous les détails de l’existence accoutumée et il avait emporté là-haut tout ce qu’Izeyl avait soulevé en lui d’espoir, de force et d’amour.

Le chef des Tziganes ayant rassemblé ses hommes d’un coup d’œil et ayant fait passer en eux un peu de la flamme qui s’allumait déjà dans sa prunelle, leva son archet et le concert commença. Il y avait dans le salon un jeune Hongrois blond, la barbe en pointe, les yeux bleus très clairs, le sourire extatique qui, tout à l’heure, sans les connaître, était venu leur parler familièrement dans leur langue natale. Et, tournés vers l’angle où il était assis, le regardant par instants et cherchant sur son visage, l’effet de leurs mélodies, les Tziganes jouaient pour lui seul, tout autre chose que les valses accoutumées. Le mur du restaurant avait disparu ; ils voyaient la Pousta sans limites, les mirages de midi, l’ombre des nuages courant sur les herbes et le vol des