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le roman d’un rallié

formulé. Étienne se disait qu’à ses yeux, quelles que fussent ses sympathies pour lui, il devait manquer de prestige, qu’il ne lui offrait pas des gages suffisants de sécurité, qu’il était trop dépendant et trop indécis pour avoir su la conquérir.

C’étaient de telles pensées qu’il emportait chaque jour au dolmen des « Landes Rouges », où s’écoulaient en songeries une bonne partie de ses après-midis. Il s’étendait sur la mousse, au pied du colosse, sur une de ces mousses druidiques qui entourent les vieux granits et semblent de la verdure à demi-pétrifiée. Parfois, le soleil avait chauffé la mousse et dans le ciel bleu, vide de nuages, un rappel de l’été passait joyeusement ; ou bien les clartés pâles de l’hiver dominaient, ces clartés longues et lentes qui semblent les messages d’un astre vieilli ; ou bien encore c’était le temps gris et brumeux des contrées de l’Ouest, baignées par un océan mélancolique. Par ces temps là, Étienne amassait les brindilles de bois, les aiguilles de pins, les feuilles mortes éparses autour de lui et y glissait une allumette ; une fumée bleuâtre montait vers le ciel, tantôt droite,