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la chronique

Le duel Clemenceau-Jaurès.

L’appel fut entendu. La volonté nationale commandait au parti radical d’avoir une frontière à gauche. C’était une nouveauté ; il n’en avait jamais eu qu’à droite. Cette frontière, il s’agissait de la tracer ; M. Clemenceau s’en chargea et la tâche lui fut aisée, grâce à la maladresse de M. Jaurès.

Ce dernier s’offrit en holocauste, si l’on peut dire. Il concentra sur lui-même tous les regards et prit avec lui la totalité du bagage socialiste ; après quoi il annonça son intention de le déballer pour en faire un grandiose inventaire. La maladresse était double. Le talent acerbe du ministre de l’Intérieur s’accommodait mal de lutter contre des idées : il lui fallait un adversaire en chair et en os. Démolir le socialisme tout seul l’eût peut-être embarrassé ; le démolir en la personne de M. Jaurès était tout plaisir. Pour comble de malheur, M. Jaurès, en cette circonstance mémorable, n’était plus tout à fait lui-même. On se rappelle qu’il avait fait sa paix avec M. Guesde, c’est-à-dire qu’il s’était soumis à la juridiction du pontife. Il avait pris part récemment à de tonitruantes agapes où chaque orateur s’était évertué à démontrer l’in-