tenait l’exposé. Ainsi s’établissait entre ses élèves et lui une sorte de camaraderie intellectuelle d’un ordre tout à fait spécial. On sentait, à l’entendre professer, que les événements qu’il analysait formaient l’objet permanent de ses préoccupations, qu’il y découvrait sans cesse des aspects nouveaux et des conséquences supplémentaires. Cela donnait à ses leçons une vitalité extraordinaire. Les transformations de l’Europe au cours du xixe siècle remplissaient Sorel d’une sorte d’étonnement admiratif qu’il s’efforçait de faire partager à la jeunesse assemblée autour de sa chaire. Appelant à son aide la géographie murale, il avait fait établir trois cartes géantes où se dessinaient l’effritement et la reconstitution des nationalités depuis la disparition progressive de la Pologne jusqu’à l’unification de l’Allemagne et de l’Italie. C’est à ces grands mouvements que sa pensée revenait sans cesse. Il y cherchait la résultante de faits antérieurs, l’aboutissement d’un lointain travail inaperçu des contemporains ; il y cherchait aussi le moyen d’illuminer le présent, d’en rendre les caractéristiques saillantes et compréhensibles.
C’est ainsi qu’il fut amené à concevoir son immense ouvrage sur l’Europe et la Révolution fran-