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choses ; mais le Français possède une étonnante inaptitude à se représenter ce qu’il n’a pas vu de ses yeux et touché de ses doigts ; peut-être le ferait-il mieux s’il avait moins d’imagination ; son imagination l’entraîne et l’égare. Les sectaires actuels vont répétant que le protectorat catholique a fait son temps, que l’action et le prestige encore exercés par les prêtres et les religieux en Orient sont à la veille de disparaître et que, dès lors, on peut sans inconvénient sérieux avoir l’air d’y renoncer par conviction sincère et respect du principe laïque ; autrement dit, le corbeau s’efforce de se persuader que son fromage est mauvais et qu’il peut le lâcher sans regret.

Le ministre des affaires étrangères a l’infortune de ne point partager ces vues courtes et inexactes. Il connaît l’immuabilité des orientaux, et pressent tout le parti que nos rivaux sauront tirer de l’instrument de propagande délaissé par nous. Son embarras est donc extrême. Pris entre l’obligation d’obtempérer aux décisions du parlement et celle de ne point laisser péricliter les intérêts nationaux dont la garde lui a été confiée il doit user d’une habileté et d’un tact infinis pour concilier ces tâches contradictoires.