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encore un total de 515 millions d’hommes. Un tel résultat n’aurait rien d’exorbitant si l’on veut bien se rappeler que par le seul fait de la substitution d’une domination européenne à la barbarie relative qui y régnait, l’île de Java a vu entre 1780 et 1888 sa population indigène s’élever de 2 à 23 millions.

Au point de vue de la diffusion de la langue direz-vous, la surpopulation des colonies n’est importante que si les langues indigènes cèdent devant celle de la métropole. Combien en l’an 2000, parleront le français parmi ces millions d’Africains et d’Asiatiques qui peupleront les possessions françaises ? L’arabe et l’annamite auront-ils donc disparu ? Qui oserait l’affirmer ?… Mais il n’est pas du tout nécessaire que les langages indigènes aient disparu pour que le français prospère. Quand, au cinquième siècle, les légions romaines se retirèrent de la Gaule, le latin n’était parlé que dans les villes et par les classes cultivées ; dix pour cent peut-être de la population en faisait usage ; le reste s’en tenait aux vieux dialectes celtiques ; la latinisation pourtant n’en fut pas entravée, pas plus que ne le fut l’hispanisation du nouveau monde lorsque le joug espagnol fut