devaient pas tarder à justifier cette opinion. Mais les fondateurs de la République, dont beaucoup s’étaient déclarés, dès longtemps, ennemis des armées permanentes, pouvaient trouver dur d’avoir à donner, dès l’abord, une aussi forte entorse à leurs principes ; sans compter que, pour les institutions qu’ils avaient longtemps rêvées et qu’ils créaient enfin, nul voisinage ne devait sembler plus redoutable qu’une puissante armée constituée au lendemain de la défaite et vivant dans l’espoir de la revanche — d’une revanche que la grandeur même de l’effort préparatoire à accomplir interdisait de poursuivre trop tôt et qui se trouverait forcément lente à venir. Ce sera l’éternel honneur des républicains d’avoir accepté sans hésitation cette double charge dont les termes s’excluaient ainsi l’un l’autre. Ils entreprirent à la fois de créer une armée forte et une République libérale. Gambetta fut l’âme de ce dualisme étrange : il trouva la formule qui lui permettait de se perpétuer ; la République, orientée vers la démocratie, irait son chemin sans jamais marchander à l’armée ni confiance ni crédits ; de son côté, l’armée placée au-dessus des partis et par là étrangère à la politique, s’enfermerait dans son glorieux labeur,
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