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la chronique

préoccupations généreuses mais pleinement utopiques, des hommes politiques et des publicistes, jugeant les affaires du Sénégal, de la Guyane ou du Tonkin comme s’il s’agissait d’un morceau de la Beauce ou de la Champagne, se préoccupent avant tout de mettre l’indigène sur le même pied que le colon, de lui assurer des droits et des égards identiques et dans leur zèle, il leur arrive de faire si bien que, parfois, le colon se plaint d’être beaucoup moins bien traité que l’indigène et peut citer des faits à l’appui de son dire. Qu’il ait fallu supprimer l’esclavage d’un trait, quand bien même il devait en résulter de grands dommages, cela se conçoit, tant le principe de l’esclavage répugne à la conception de la démocratie ; mais qu’il faille de même et tout d’un trait supprimer la corvée, alors qu’il n’existe en bien des pays, aucun autre moyen de demander à l’indigène l’acquittement de l’impôt, cela paraît d’autant plus absurde que le service militaire égal, imposé à tous les citoyens de la République, n’est pas autre chose qu’une forme spéciale de la corvée. Que la corvée coloniale soit adoucie, transformée, limitée — supprimée même lorsque cela est possible, fort bien ; mais que cette suppression soit exigée par principe et sans examen,