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s’imposer, n’ont rien de commun avec la puissance oratoire d’un Lacordaire.

Quant aux poètes, ils sont comme des abeilles qui s’arrêteraient sur la première fleur rencontrée et n’iraient pas plus loin. En d’autres temps, les poètes ressemblaient à des abeilles trop affairées, qui ne savaient pas faire leur choix et visitaient cinquante calices en trois minutes. L’abeille d’aujourd’hui a peur de la variété ; elle s’éprend d’une pétale et s’y attarde, comme si c’était un monde. Elle y découvre de profonds horizons et des quintessences infinies. Si encore l’étude de ces sujets restreints se traduisait en une forme discrète ! Mais le bon exemple de José-Maria de Hérédia n’a pas été suivi ; en vain a-t-il ciselé ses sonnets comme des camées antiques, les autres n’emploient le sonnet que lorsqu’ils n’ont rien à dire ; dès qu’ils possèdent une idée ou l’ombre d’une idée, leur incorrigible verbiage la délaye en un poème. Il est vrai qu’en poésie comme en éloquence, la France peut se consoler de sa médiocrité présente en regardant celle d’autrui. Il n’en est pas de même en ce qui concerne le Roman.