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une descente au monde sous-terrien

l’eau sans en paraître le moins du monde incommodé. Je n’y comprends rien.

— Faisons-lui des signes, dit Kerbiquet. Si c’est un homme, il nous répondra.

Et le jeune capitaine allait essayer une télégraphie transmarine inédite, lorsqu’un cri d’effroi partit de la poitrine des matelots qui se tenaient à l’avant. Ces hommes venaient de voir passer sous la quille de la baleinière une grande ombre rapide, et cette ombre se dirigeait droit sur l’être inconnu qui se tenait entre deux eaux.

— Un requin ! s’écria Francken. Le malheureux est perdu !

Il y eut une minute d’inexprimable angoisse. Le tigre des mers, comme on l’a si justement appelé, décrivait de grands cercles autour de ce qu’il considérait déjà comme sa proie, et cherchait la façon dont il allait l’attaquer.

L’homme cependant, ou de quelque façon qu’on voulût l’appeler, l’être sous-marin qui se trouvait à cette heure exposé à un aussi grave péril, n’avait pas bougé de sa place ; il ne donnait pas le moindre signe de terreur. On le vit seulement, quand le requin raccourcit le rayon de sa promenade circulaire, tirer de sa peau — de sa propre peau écailleuse aurait-on dit — une sorte de courte dague qu’il garda dans la main.

— Vous voyez bien que c’est un homme, disait Jean, puisqu’il a des armes.

Tout le monde, à bord de la baleinière, suivait avec anxiété les péripéties de cette lutte inégale, entre un monstre dans son élément, et un être humain, jouet chétif perdu en plein Océan.