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une descente au monde sous-terrien

des vivres, du charbon et de l’eau en conséquence. C’était une perspective d’une vingtaine de jours au moins sans apercevoir autre chose que le ciel et l’eau. Mais personne ne s’en plaindrait, si la traversée devait se poursuivre dans les mêmes conditions.

Wilhelmine parut bientôt ; elle était bien portante et rose ; le tangage léger ne l’affectait en aucune façon. Elle rejoignit le docteur, et tous deux s’en furent sur la passerelle saluer le capitaine Jean Kerbiquet, debout depuis longtemps. Elle voulut voir le navire en détails, car elle ne connaissait en aucune façon la vie de la mer, et ce fut le jeune marin qui l’accompagna partout, montrant avec quelque fierté l’arrangement intérieur du bâtiment où il passait les trois quarts de son existence, et vantant les qualités de sa construction.

L’heure du premier déjeuner rassembla bientôt tout le monde. Tout le monde, sauf cependant Julius-Ludovic Van Tratter, qui n’avait sans doute pas entendu la cloche, et qu’il fallut aller chercher. Sa nièce le trouva en presque costume de nuit, congestionné, rouge, et déclamant en annamite, à moins que ce ne fût en corréen, les paroles d’un grand papier qu’il tenait à la main. Le célèbre professeur avait tenté de déballer lui-même ses caisses de dictionnaires, et c’est sur un véritable lit de gros volumes qu’il se promenait, car il lui aurait été totalement impossible de trouver sur son parquet l’espace d’une pantoufle. La jeune fille, après avoir déjeuné, mit charitablement un peu d’ordre dans ce chaos. Van Tratter, qui ne s’était aperçu de rien, se replongea incontinent dans l’étude de ses textes. On ne le revit plus jusqu’au repas suivant, pour lequel il fallut également venir le chercher.