Page:Pierre Luguet Une descente au monde sous-terrien 1909.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée

47
une descente au monde sous-terrien

marin toute suspicion d’irrespectueuse plaisanterie. Le zoologue avait écrit, donc il existait ; quant aux singes, s’il les avait tirés de son imagination (pourquoi faire ?) ou de son délire, le messager que lui avait donné le hasard n’en pouvait pas être rendu responsable.

L’Éclaireur de Saardam, avec son entrefilet habilement conçu, produisit néanmoins une certaine sensation. Établissez n’importe quelle discussion sur n’importe quelles bases, même erronées ou invraisemblables, et vous serez sûr de recueillir des partisans, tant l’esprit humain est faible et accessible à l’illusion. Et c’est ce qui permet aux gens de mauvaise foi de se pousser aisément dans le monde. Van Ah Fung avait compté là-dessus, et avec quelque raison, comme on put le constater. La ville se partagea en deux camps, ce qui n’avait qu’une importance relative, mais l’Académie des sciences se divisa nettement aussi, ce qui faillit devenir beaucoup plus grave et étouffer dans l’œuf les velléités d’expédition.

Parmi les savants, les uns refusèrent positivement tout crédit à la communication du capitaine Kerbiquet ; d’autres, sans nier catégoriquement son caractère d’authenticité, émirent l’avis qu’avant de s’embarquer pour le cap Horn, via Dunkerque, il faudrait prendre la précaution d’une enquête sur la personnalité du jeune marin, et savoir s’il n’était pas dans sa coutume, comme l’insinuait l’Éclaireur, de « s’offrir la tête » de ses contemporains !

Van Ah Fung poussait naturellement au doute par tous les moyens que lui suggérait son esprit fourbe et astucieux ; il travaillait ou faisait travailler personnellement les académi-