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une descente au monde sous-terrien

m’apprit qu’en effet il s’agissait d’une sorte de petite fête nationale, pour commémorer une victoire sur une tribu voisine, remportée un mois auparavant. Au cours de cette réjouissance un prisonnier serait dégusté. Et les cannibales manifestaient leur joie à l’avance, parce que le captif était énorme et qu’il y en aurait beaucoup. Il y en aurait d’autant plus qu’une partie des guerriers étaient en expédition, que les femmes et les enfants n’avaient pas droit à la chair glorieuse et que trente hommes environ restaient pour la partager.

« Je demandai à voir la future victime. Elle était enchaînée à la hutte du chef, et l’air suffisamment consterné. C’était mon Congo.

« Il était consterné — et il y avait certes de quoi — mais il était gras et frais. Depuis un mois le village le gavait de nourriture. On lui laissait même sa liberté ; on avait confiance en lui ; c’est à peine si on le surveillait. Et il n’en profitait pas, l’imbécile.

« Les guerriers qui devaient le manger le soir, l’avaient cependant attaché, par précaution dernière, et dans la crainte que l’approche du dénouement l’incitât à quelque escapade. Et ils se promenaient devant lui, gravement, par groupes, discutant ; de temps à autre, l’un d’eux s’approchait du prisonnier, l’examinait longuement, et dessinait avec un morceau de craie, sur la chair noire, la partie qu’il désirait se voir adjuger. Il mettait là son signe particulier, et s’éloignait. Un autre le remplaçait bientôt. Congo, qui connaissait son sort depuis un mois, et qui savait très bien ce que signi-