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une descente au monde sous-terrien

« Je suis cependant à peu près certain qu’ils ne nous mangeront pas. Ils ne sont pas carnivores. Dans les provisions du canot, il y avait des bocaux de viande de conserve et des bocaux de légumes ; ils ont dévoré ces derniers et jeté les autres sans songer à nous en nourrir, ce qui semblerait prouver qu’ils ignorent même qu’on peut manger de la chair.

« C’est une consolation : je n’aurais pas aimé avoir pour tombeau l’estomac de ces brutes hideuses.

« Mais il est temps de clore cette lettre, péniblement écrite à la lueur des étoiles, brillant au ciel depuis que la tempête a cessé. Il doit être très tard, et le jour ne va sans doute pas tarder à paraître.

« Adieu, mes chers amis, car je n’ose pas vous dire au revoir.

« Cependant, il faut tout prévoir, et même le cas où les simiesques géants ne nous voudraient pas de mal. Si cela était, et que vous vous sentiez au cœur la charité nécessaire pour secourir de malheureux naufragés, voici quelques indications qui pourraient servi à nous retrouver :

« L’île où j’ai abordé doit être, je vous l’ai dit, au sud du cap Horn. En ceci je ne crois pas me tromper, si j’en juge à la direction constante suivie par la tempête, à la vitesse du Marvellous et au temps qu’il a mis à parvenir ici. La face méridionale de l’île, la seule que je connaisse, se compose d’une sorte de boulevard de roches plates, et d’une falaise verticale qui peut avoir quatre-vingts mètres de hauteur. L’arête supérieure de cette falaise n’est ni horizontale ni régulière. Elle se détache admirablement sur le ciel clair, et dresse à son milieu, et à ses deux extrémités, trois pics aigus, sa