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une descente au monde sous-terrien

celante, et terriblement seule sur l’immensité, qui s’avançait lentement vers le Sud.

— C’est lui ! criait-il à ses hommes. Faites presser l’allure. Au trot, les bêtes ! Au trot ou au galop, si vous pouvez.

Excitées de cris, frappées au front, affolées d’un tapage subit, les monstrueuses créatures antédiluviennes prenaient la charge avec une puissance qui ébranlait le sol, et la distance diminuait rapidement entre la petite troupe et l’homme perdu à la surface du désert.

Cet homme marchait, parce qu’il était soutenu par un prodigieux courage, mais il était aisé de voir qu’il donnait son dernier effort. Il titubait comme en ivrogne, s’écroulait par instants, demeurait quelques secondes immobile, puis se relevait pour une marche de quelques mètres, et s’arrêtait encore, épuisé.

C’était Jean Kerbiquet mourant de faim, mourant de soif, mourant de fatigue, en loques, couvert de sable et de sueur, la barbe longue et embroussaillée, dans un état de saleté repoussant et seul, tout seul, dans le désert mortel.

Quand il vit une troupe venir au-devant de lui, quand il devina le secours, quand il comprit qu’enfin la Providence avait pitié de son immense détresse, l’énergie farouche qui l’avait jusqu’alors tenu debout l’abandonna soudain. Il eut un sanglot, un vague geste de remerciement vers le ciel, et s’abattit sur le sol, où il demeura inerte.

Quelques secondes plus tard on le relevait et le Président lui donnait les soins les plus empressés, qui le ramenaient à la conscience.

— À boire ! demandait-il.