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une descente au monde sous-terrien

l’étrange réunion de poutres, d’armes, de munitions, de provisions et d’hommes, qui en faisait un troupeau si extraordinaire.

Mais on n’entendait plus, coupant à tout instant l’imposant silence du désert, les grands éclats de rire du petit docteur Francken. Et les longues conversations que tenaient encore le Président de la République Centrale et Lhelma, l’un cherchant à distraire l’autre, et l’autre souriant d’un sourire mélancolique, avaient lieu à voix presque basse, et comme si tous deux eussent craint de troubler la paix nécessaire au récent et douloureux souvenir.

L’escorte des Sous-Terriens elle-même prenait part à la tristesse générale, et c’est en silence qu’elle vaquait à ses occupations durant l’étape, préparait le campement à l’arrivée, déchargeait et rechargeait les mastodontes, et leur donnait leur provende.

La région aride avait repris toute sa sauvagerie et toute son horreur. Le sol, rougeâtre, pierreux, sans aucun indice de végétation, réfléchissait une chaleur invariable et une lumière cruelle, et les voyageurs n’avaient même pas pour se reposer ce qui fait les deux tiers de notre repos : la nuit. Ils allaient devant eux, sur un mamelonnement monotone et cuit depuis l’origine du globe, sans que jamais un changement de teinte ou d’aspect vint les distraire, et il leur fallait toute leur force d’âme pour persévérer, pour ne pas céder à l’illusion d’une route sans but et sans fin, pour ne pas s’arrêter et revenir en arrière.

Huit jours s’étaient écoulés depuis le passage à l’oasis témoin de la mort de Congo, lorsque deux mastodontes tombèrent en même temps, abattus, malgré leur force de résistance prodigieuse, par la fatigue et la chaleur.