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une descente au monde sous-terrien

— On parle sous la terre ! bégayait Van Tratter, abasourdi.

— On parle sous la terre une cinquantaine de langues complètes, répondit tranquillement l’homme qui venait de sortir des flots, et un millier d’idiomes ou de patois particuliers.

À ces mots, il se passa quelque chose de tragique. Julius-Ludovic Van Tratter se dressa de toute sa haute taille. Puis il étendit les bras, les yeux au plafond, et s’écria :

— Mon Dieu !… mon Dieu !… jamais je n’aurai le temps d’apprendre mille idiomes avant de mourir !… Mon œuvre est détruite et je suis déshonoré !

Il chancela et parut vouloir s’abattre. Congo se précipita pour le recevoir dans ses bras. Mais il se redressa et quitta le salon à grandes enjambées, défendant à sa nièce de le suivre. Lhelma fit semblant de lui obéir, mais elle alla, deux minutes après mettre l’œil à la serrure de sa cabine. Le savant avait ôté sa redingote ; il était ébouriffé ; il avait déjà de l’encre après, la figure ; il feuilletait avec frénésie un immense bouquin ; il était sauvé ! Van Tratter avait oublié ; rien ne subsistait plus dans son esprit encombré de la terrible peur qu’il venait d’éprouver en voyant se dresser devant lui plus de mille langues nouvelles à apprendre.

Lhelma reparut au salon ; tranquille, et ce fut elle que le capitaine Kerbiquet chargea d’exposer pour le président de la République Centrale le but de l’expédition du Pétrel. André de Haute-Lignée avait promis d’ailleurs, après ce récit, d’expliquer le mystère dont il se montrait environné, et c’est avec une impatience facile à concevoir qu’on attendait ses éclaircissements.