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la comédie

N’a pas un tel pouvoir et ne peult apaiser
Luy-mesme son amour qui le vient embraizer ;
Ains il a bien changé en un Cocu sa forme
Pour avoir sa Junon à son vouloir conforme,
Et n’en eust point joüy, si par ce gentil tour
Il n’eust ligué à soy les Cocus et l’Amour.
Partout ont les Cocus une belle puissance,
Et sur tous les Oyseaux sont douez d’excellence ;
Regardez mesmement comme tous les Oyseaux,
Soient ou ceux-là de l’air, de la terre, ou des eaux,
Ayans pondu leurs œufs, vont couvant leur nichée,
Et lorsqu’ilz sont esclos leur donnent la bêchée,
Les vont entretenant en la mesme façon
Dont la pauvre femme use envers son enfançon
Que chetifve elle pend au bout de sa mamelle
Et va cherchant du pain tant pour luy que pour elle.
Mais les nobles Cocus ayant pondu leurs œufs,
Ne les couvent jamais ny escloüent souz eux,
Ains les laissent couver et prendre nourriture
Au nid d’un autre Oyseau, qui soigneux en a cure,
Comme sien les deffend, les ayde, les cherist,
Leur apprend à voler, les ayme et les nourrist.
Ainsi feirent jadis les illustres Deesses,
Celles que les grands Dieux choisirent pour maistresses,
Car Cybele bailla son enfant Jupiter
À la nymphe Amalthée, afin de l’alaicter
Dans un antre de Crète, et Junon immortelle
Ne nourrist point Vulcan de sa propre mamelle,
Ains l’envoya nourrir aussitost qu’il feut né
Dans l’isle de Lemnos son séjour fortuné.
Ainsi en vont usant voz plus riches bourgeoises,
Voz dames de la Cour, et voz nobles Françoyses,
Qui laissent leurs enfans, aussitost qu’ilz sont nez,
Souz une autre nourrice à nourrir destinez,
Laquelle en prend le soing, les baize, leur faict chere,
Et les va plus aymant que ne feroit leur mère,