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la comédie

Ces bons galands affronteurs des ruzez
Ont deux moyens caultz et subtilizez
Dont les plus caultz en cautelle ilz affrontent
Et les subtilz en addresse surmontent.
Le premier est que facondz en propos,
Humbles à tous, beaux hommes et dispos,
Ilz chercheront le marchand ou quelque homme
Qu’ilz sçavent bien qu’au jeu il se consomme,
Et pour le mieux affiner et tromper,
Ilz l’envoyront inviter à soupper
Dans leur logis et après la souppée,
Tenans leur beste aux retz enveloppée,
Sans quelle puisse eviter le danger,
Ilz la feront dessus le jeu ranger,
Se laisseront gaigner à l’abordée,
Et à part eux sera un peu gardée
Leur piperie et le feront exprès
Pour l’appaster et mieux gaigner après :
Et à la fin voyantz l’heure commode
D’aller joüant de leur pipeuse mode,
Ilz se mettront à regaigner au jeu,
Retireront leur perte peu à peu,
Et devoilans le masque de leur face
Ouvertement s’armeront de fallace,
L’accableront sans qu’ilz luy laissent rien
D’argent, chevaux, de harnoys et de bien.
L’autre moyen dont ilz usent ensemble,
C’est au Palays où le monde s’assemble,
Ou aux marchez, aux foires ou aux lieux
Où le peuple est fréquent et copieux :
Là, gardez-bien surtout vostre fouillouze,
Si vous avez au dedans quelque chouze,
Ou autrement estonnez vous serez
Qu’estans chez vous rien vous n’y trouverez :
Car ces matoys pour n’apparoistre aux hommes
Sont tous ornez d’habitz de Gentilz-hommes,