Page:Pierre Duhem - Les Origines de la statique, tome premier, 1905.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 60 —

un plus lourd. « Tout grave tend en bas[1], et les choses hautes ne resteront pas à leur hauteur, mais avec le temps, elles descendront toutes, et ainsi avec le temps le monde restera sphérique et, par conséquent, sera tout couvert d’eau. »

Toute cette argumentation de Léonard de Vinci et de Cardan est tirée des principes de la Dynamique péripatéticienne : proportionnalité de la vitesse à la force qui meut le mobile, de la vitesse de chute au poids du grave. Ces fondements, les progrès de la Mécanique vont les emporter. Et cependant, une Mécanique plus avancée encore viendra fortifier les conclusions. Presque constamment, nous avons laissé la parole aux auteurs du xvie siècle ; or, ce qu’ils nous ont dit a comme une saveur très moderne ; leurs pensées sont très voisines de celles des physiciens qui ont lu Clausius, William Thomson et Rayleigh. C’est que la Thermodynamique, en complétant la Dynamique trop simplifiée issue des Discorsi de Galilée, a comblé en partie l’abîme qui séparait celle-ci de la Dynamique d’Aristote.

Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur ce rapprochement, qui nous entraînerait bien loin des origines de la Statique. Nous avons vu comment les pensées les plus essentielles de Léonard de Vinci avaient été publiées dans les ouvrages de Cardan ; la grande vogue de ceux-ci va permettre à ces pensées d’influer sur le développement de la Science.

A la fin du xvie siècle, cette influence se divise en deux courants ; l’un se fait sentir en Italie, où il inspire les travaux de Jean-Baptiste Benedetti, de Guido Ubaldo, de Galilée, de Torricelli ; l’autre, canalisé par Simon Stevin, féconde la science flamande ; ces deux courants viendront confluer en Roberval et en Descartes.

  1. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. F de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 84. recto. Paris, 1889.