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fortement ou retenu plus énergiquement que ne le comporte sa nature, son mouvement est naturel, il est vrai, mais il n’est pas exempt de violence ; de ces deux circonstances, on trouve un exemple dans les poids des horloges... Quant au mouvement autour d’un cercle, il ne convient naturellement qu’au ciel et à l’air ; encore celui-ci n’en est-il pas animé d’une manière constante ; pour les autres graves, il a toujours son principe dans un mouvement selon la verticale. Les eaux elles-mêmes sont animées d’un certain mouvement selon la verticale ; ainsi, dans les fleuves, au fur et à mesure que les eaux sont engendrées par la source, elles descendent sans cesse suivant la déclivité du lit. Or, pour que le mouvement fût perpétuel, il faudrait que les graves qui ont été déplacés, parvenus à la fin de leur course, fussent reportés à leur situation initiale. Mais ils n’y peuvent être reportés que par un certain excès [de puissance motrice]. Ainsi donc, ou bien la continuité du mouvement découlera de ce que ce mouvement est conforme à la nature[1], ou bien cette continuité ne se maintiendra pas égale à elle-même. Or, ce qui diminue sans cesse, à moins d’être accru par une action extérieure, ne saurait être perpétuel. »

Dans les considérations de Léonard de Vinci et de Cardan il n’y a pas seulement la négation du perpétuel mobile, il y a plus ; il y a cette affirmation qu’une uniforme tendance dans tous les mouvements que nous observons, tendance des graves à descendre autant que possible, à chercher le lieu de leur éternel repos. Cette pensée est constamment présente à l’esprit de Léonard de Vinci. « Tout poids[2] désire descendre au centre par la voie la

  1. Cardan entend réserver par là le mouvement du Ciel, qui est perpétuel par nature.
  2. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. A de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 22, verso, Paris, 1881.