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CHAPITRE III

JÉRÔME CARDAN

(1501-1576)

Lorsque, en 1797, Venturi eut annoncé que l’on retrouvait, dans les manuscrits de Léonard de Vinci, quelques-unes des lois essentielles de la Mécanique moderne, la surprise de plusieurs géomètres dut se mêler d’un regret. Sur certains points, le grand peintre avait devancé Galilée d’un siècle. S’il avait pu, de son vivant, publier le Traité du mouvement et le Traité des poids qu’il préparait ; si du moins, à défaut de cette publication, les fragments qu’il laissait avaient pu être connus aussitôt après sa mort, quelle impulsion aurait reçue l’étude de la Mécanique ! Galilée, Simon Stevin, Descartes, eussent, au début de leurs travaux, trouvé cette science plus avancée d’un stade sur le chemin du progrès ; par un effort égal à celui qu’ils ont donné, ils eussent pu la mener plus loin qu’ils ne l’ont réellement conduite ; tout le développement des sciences positives en eût été hâté. Ainsi l’oubli, à jamais déplorable, dans lequel sont demeurées, pendant des siècles, les pensées de Léonard de Vinci touchant les principes de la Mécanique a imposé à la marche de l’esprit humain un irrémédiable retard.

Ce retard ne s’est pas produit. Dès le milieu du xvie siècle, les idées les plus essentielles de Léonard de Vinci touchant la Statique et la Dynamique furent connues de ceux qui s’intéressaient à ces sciences ; dans le pillage auquel furent livrées les notes manuscrites du grand artiste, les géomètres et les mécaniciens firent un ample butin ; sans révéler au public la source de leurs richesses, ils les étalèrent dans leurs écrits ; heureux larcin, qui accrut, il est vrai, d’une façon imméritée la gloire de cer-