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Puisque de la beauté l’amour tire son être
Voudrait-il outrager celle qui le fait naître ?
Au contraire, Daphné, tu sais bien qu’aux amants
On remarque toujours de nouveaux ornements.
Quand l’amour est au coeur, l’oeil en a plus de grâce,
Le visage en reçoit une agréable audace,
Et l’on dirait enfin qu’en nous jetant ses traits
Il verse dessus nous mille nouveaux attraits,
Si bien que c’est de lui d’où procède la grâce,
Et lorsqu’elle se perd, c’est le temps qui l’efface :
Mais puisque l’on doit perdre un trésor si charmant
Qu’on le perde du moins avec contentement,
Et que l’on puisse dire en sa froide vieillesse,
J’ai plutôt employé que perdu ma jeunesse.
Qui perd avec plaisir ce qui le doit quitter
Semble en quelque façon en perdant profiter.
Poursuis donc tes plaisirs, et n’attends pas que l’âge
Ennemi des beautés t’en dérobe l’usage.
Souffre qu’on te recherche, et te laisse toucher
Devant qu’un front ridé t’oblige à rechercher.