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PAR LES FEMMES.

Jacques était tout penaud et portait la tête basse. Mais quand il se fut éloigné, qu’il n’aperçut plus Victor et qu’il se sentit libre, il fut pris tout à coup d’une joie folle : il fit une gambade comme un écolier qui sort de classe et courut retrouver la fille qui l’attendait patiemment, assise à une table, devant une chartreuse qu’elle s’était fait servir.

Il s’assit en face d’elle.

Les coudes sur la table, à demi couchée, elle l’examinait.

— T’es pas mal, tu sais ?

— Vraiment.

— Quel âge que t’as ?

— Dix-neuf ans. Et toi ?

— En voilà une question ! Est-ce qu’une femme a jamais d’âge ; elle a celui qu’elle porte. T’es encore naïf, mais ça passera, parce que t’as l’air malin.

Elle vida son verre.

— Dis voir un peu, le gosse, c’est tes débuts, pas vrai ?

Il tortillait ses gants entre ses doigts.

— T’es bête ! continua-t-elle. Faut pas avoir peur. Je suis une bonne fille, moi, et je n’en ai jamais mangé, d’hommes. Et puis, si tu veux savoir, eh bien ! j’aime ça, moi !…