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PAR LES FEMMES.

selant elles se précipitaient alors vers quel- qu’une des tables du pourtour, s’effondraient, épuisées, sur une chaise, ou, à défaut de chaise, sur les genoux d’un ami.

Cependant les consommateurs, ayant devant eux des piles de soucoupes qui disaient leurs fréquentes libations, chantaient, hurlaient plutôt, en s’accompagnant de cannes qu’ils frappaient sur les tables : c’était un vrai charivari. Personne ne s’entendait et tout le monde paraissait se comprendre. L’atmosphère était trouble, lourde : une odeur de tabac, de poussière et de sueur flottait, écœurante.

— Je ne conçois vraiment pas, dit Victor, le plaisir que peuvent éprouver ces gens à crier et à se bousculer ainsi dans une salle où l’on respire avec peine !

— Ma foi, je suis de ton avis, et si tu veux bien nous ne resterons pas longtemps ici ! répondit Jacques.

— Faisons un tour seulement, histoire d’étudier les mœurs.

— Drôles de mœurs, en vérité !

Bras dessus, bras dessous, ils s’élancèrent courageusement dans cet océan démonté qui grondait devant eux. Ils étaient heurtés,