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rien qu’à la voir on le devinait, était une de ces humbles, dont les mains gardent pendant toute la vie les callosités qu’y ont formées les durs labeurs des années pénibles, mais dont le visage conserve, à travers les rides, cette grâce et cette sérénité, juste privilège accordé par le ciel à ceux dont la vie s’est écoulée, non sans peines, mais sans remords.

Quant au jeune garçon, qui occupait l’une des extrémités de la table, une certaine coquetterie le distinguait des autres convives. Son habit était de velours marron ; une large cravate de soie noire, après avoir fait par deux fois le tour de son col trop haut, s’épanouissait en un large nœud sur le plastron d’une chemise de fine toile ; des manchettes, ornées de boutons d’or, lui serraient les poignets ; ses mains étaient fines et blanches, ses ongles soignés. Sa façon de se tenir, de regarder, de rompre le pain, de tousser, de porter le verre à ses lèvres n’était point celle de ses commensaux. Ce qu’il partageait avec eux, c’était la tristesse, empreinte sur tous les visages, répandue dans la pièce, accablante, tristesse bien naturelle, hélas ! puisque le repas qui se terminait était un repas d’adieu.

Jacques Dubanton, fils d’Adrien et de Fran-