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PAR LES FEMMES.

les animait tous deux, et leurs efforts pour le moment tendaient au même but, le barreau. Il est vrai de dire que Victor ne bornait point là ses vues : le barreau à ses yeux était plus un moyen qu’un but ; il ne le considérait que comme le tremplin nécessaire pour prendre son élan et se lancer dans la politique.

Oh ! sur la politique, les deux jeunes gens ne partageaient pas les mêmes opinions. Jacques Dubanton, fils d’un paysan aisé et propriétaire, était pour le statu quo ; Victor, enfant de la ville, orphelin et sans fortune, ayant connu dès son jeune âge l’âpreté de la lutte pour la vie, était un socialiste enragé. Expansif comme tous les jeunes, il aimait à exposer ses théories et il avait trouvé en Jacques, sinon un approbateur, du moins un auditeur complaisant. Le repas du soir terminé, il lui arrivait bien souvent d’entraîner son compagnon dans sa chambre, et là, durant des heures, quelquefois jusqu’au petit jour, il parlait : c’était l’apologie du pauvre, de l’humble travailleur, du méconnu, du grand sacrifié ; c’était l’effondrement d’une société pourrie, caduque ; c’était l’érection d’une société nouvelle sur des bases nouvelles : c’était le triomphe de la Justice.