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PAR LES FEMMES.

vous flottiez, vous tout entière enfin, plus vision que réalité, plus rêvée que vécue, plus fée que reine, tout en vous, et vous-même m’aviez séduit. Hélas ! Je n’osais vous confesser l’amour qui me consumait. Je sentais en effet que si vous m’aviez repoussé, il n’est pas de folies que je n’eusse faites pour vous avoir. Jane !… vous connaissez les histoires merveilleuses de ces chevaliers tout bardés de fer, qui, la nuit, sur une échelle de soie que balançait la brise, montaient jusqu’à la chambre où reposait leur maîtresse. D’un bond, ils escaladaient le balcon de pierre, ils la prenaient dans leurs bras, l’enlevaient, se laissaient glisser, avec leur précieux fardeau, tout le long des murailles baignées de rayons de lune, jusqu’à terre. Ils enfourchaient leur haquenée frémissante qui, les éperons enfoncés dans le flanc jusqu’au talon, partait, folle, écumante, volait par monts et par vaux, buvant l’espace, jusqu’au manoir silencieux, caché dans la profondeur des bois. Point de dangers, point d’obstacles qui fussent capables de les arrêter. Le ciel lui-même se fût-il opposé à leur course, qu’ils lui eussent montré la lame nue de leur épée !… C’est que l’amour, ce dieu tout-puissant, les animait !… Eh bien !