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PAR LES FEMMES.

naire, elle avait un cheval assez sage, mais plein de sang, et elle prenait plaisir à l’agacer. La bête, bien vite s’énervait : le trot souvent se changeait en galop. Au lieu de la retenir alors et de la calmer, elle l’excitait davantage. Elle aimait à se sentir emportée sur l’animal fougueux, en une course folle, vertigineuse. Peut-être les chevauchées des héros de ses romans lui revenaient-elles alors à la mémoire. « Plus vite, plus vite !… » criait-elle, enivrée de vitesse, et de sa fine cravache à pommeau d’or, elle cinglait les flancs de son cheval, dont l’allure redoublait. Parfois, de petits paquets d’écume lui venaient dans le visage. Elle riait et criait de plus belle à Jacques qui se gardait bien de la lâcher d’une tête : « Plus vite ! plus vite encore !… Dieu que je suis heureuse !…

Quand se terminait cette galopade insensée, la jeune fille était pâle, toute pâle ; sous la chair diaphane de son visage on voyait courir les réseaux bleus de ses veines ; seules, ses pommettes étaient pourpres, comme si tout le sang de ce corps frêle et chétif se fût porté là. Quelques instants, elle demeurait, essoufflée, sans pouvoir prononcer une parole et puis, quand elle avait repris haleine, elle murmu-