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PAR LES FEMMES.

j’adore. Je suis sûre que, interprétée par vous, elle doit être divine.

Et ce disant, elle tira d’un casier à musique une partition qu’elle disposa devant les yeux du jeune homme.

Après avoir étudié des yeux le texte, et plaqué quelques accords, il joua.

D’abord, ce fut timide, saccadé, haché, comme une ébauche. Il hésitait. Peu à peu, son jeu s’assura. Les notes maintenant étaient moins désagréablement scandées, plus fondues. Bientôt elles jaillirent, désordonnées, folles, coururent échevelées.

La jeune fille, à côté de lui, un peu penchée sur son épaule, comme ravie en extase, l’écoutait, retenant son haleine. Il lui semblait que, sur cette harmonie, tout son être se laissait emporter, qu’elle entrevoyait ces pays merveilleux, féeriques, qu’enfantait dans ses rêves son esprit romanesque.

— Oh ! que c’est beau ! Que c’est donc beau ! murmura-t-elle, tout émue, quand se fut perdue dans le silence la dernière vibration de la dernière note. Oh ! que je voudrais jouer comme vous !

Quelque temps elle demeura pensive, sans dire un mot, et puis, tristement, elle soupira :