Page:Pierre Corrard - Par les Femmes, 1902.pdf/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
PAR LES FEMMES.

sentait en la société de sa mère une félicité qu’il ne se rappelait pas avoir jamais eue, durant sa première jeunesse. Le baiser qu’il déposait sur les joues ridées de la vieille, celui qu’elle lui rendait, la moindre parole, le moindre geste, tous ces menus témoignages d’une affection simple et pure, lui remplissaient l’âme d’une joie incomparable. Sans doute, il avait déjà, autrefois, goûté les joies de la famille, mais jamais avec une telle intensité.

Un soir, qu’assis au milieu de la lande, la tête appuyée sur les mains, il laissait errer sa pensée dans la mélancolie du crépuscule, des vers qu’il savait par cœur lui revinrent à la mémoire. Il les avait dits bien souvent, soit après quelque joyeux souper, à l’heure où tombe, comme la brume après un beau jour, la mélancolie, soit à quelque sentimentale maîtresse et pour occuper les loisirs de l’amour. Et toujours ils lui avaient charmé l’oreille et l’esprit. Or, il fut tout étonné en les récitant cette fois, devant le décor splendide de la nature grandiose dans son calme sévère, loin des hommes, loin de leurs vaines agitations, loin du tumulte des foules, il fut tout étonné d’éprouver une émotion encore inconnue.