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de parler avec luy, ou comme advient des autres qui entre-lardent leurs livrets de mots Latins, Grecs, & Hebrieux sans raison, voulants que ce soit enseigne pour les faire aproistre estre meslez de diverses langues. Mais l’avons fait pour monstrer que lesdits autheurs parlants des banquets & friandises anciennes, y ont tousjours entremeslé quelque nom d’oyseau, duquel nous voulons servir à ce propos. Nous monstrerons que la coustume des païs & l’opinion des hommes fait, qu’ils estiment les viandes, & les aiment ou haïssent plus ou moins : Car anciennement, lors que la loy ne les contraignoit à eslire leur delice en chair, en choses venuës de terre, ou en poisson pour les manger à jours deputez, ils se nourrissoyent egalement ou d’herbages, ou de chair, ou de poisson. Encor pour le jourdhuy les Turcs y ont leurs delices, sans qu’il leur soit defendu de s’en abstenir à l’un jour, non plus qu’à l’autre. Donc parlants des viandes & de l’appareil des banquets, pouvons comprendre quasi toutes les plus exquises friandises es trois susdites choses comme lon voirra par cy apres. Parquoy lors qu’il estoit libre aux Payens de manger herbages, chair, ou poisson, sans que la loy les y contraignist (car les Juifs ont tousjours eu leurs cerimonies à part) il estoit au chois de chasque personne se nourrir touts les jours de ce qui luy venoit en appetit. Et si les hommes d’estude curieux des bonnes choses, ne l’eussent mis par escrit, nous ne pourrions maintenant asseoir aucun jugement sur telle maniere de vivre, ne dire que nostre façon de faire convienne, ou soit differente à la leur. Aussi ferons voir que les anciens, de quelque langue qu’ils fussent, au païs du levant, ne souloyent permettre que leurs femmes banquetassent peste-mesle avec eux, comme lon fait maintenant es regions Septentrionales, ou ils ont acoustumé leur donner le lieu le plus honorable entre les assistants, qui est un point de grande consideration pour entendre la difference qui estoit entre les Romains, & les Grecs. Et si quelqu’un s’enqueroit de cecy, & le mettoit par escrit, ne feroit chose qui en meritast lecture, n’estoit pour conferer les choses anciennes avec les modernes : Car on voit encor pour le jourd’huy que les Turcs, les Grecs, & les Juïfs retiennent je ne sçay quoy de leur antiquité : Car mesmement les hommes des mestiers mecaniques boyvent & mangent à part separez de leurs femmes. Que doyvent donc faire les autres de plus grand estat ? Mais quant à nous, croyons que la coustume ha tousjours esté entre les nostres, que les femmes ayent obtenu lieu, & degré honorable es assemblees au dessus des hommes, & qu’il n’y eut onc nation en quelque païs que ce soit, que les personnes n’ayent en un certain lieu deputé en leurs logis, dedié pour y manger, separé de celuy auquel ils avoyent acoustumé dormir : & qu’ils ne l’ayent aproprié selon les saisons de l’annee. Car nous cerchons les sales aerees pour l’esté, & nous enfermons l’yver en lieu chauld. Les anciens aussi eslisoyent diverses places en leurs maisons pour prendre leurs repas selon diverses saisons de l’annee, l’une pour l’esté, l’autre pour l’hyver. C’est ce que Vitruve ha entendu, escrivant le septiesme chapitre du sixiesme livre, ou il dit : Hyberna triclinia, & balnearia occidentem hybernum spectant : Triclinia verna, & autum nalia ad orientem : Aestina ad septentrionem. Mais en mangeant ils estoyent assiz sur des tapiz, & contrepointes appuyez sur des aureillers : comme font maintenant les Turcs qui mangent à plat de terre. Les Grecs n’ont leur table eslevee de terre gueres plus de deux pieds de haulteur. Or puisque voulons faire voir les mets qu’on ha servis devant quelques Empereurs Romains estimez friands oultre mesure, confererons leurs