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Les oyseaulx, desquelz lon prend nourriture, nommez par ordre, tant selon l’ancienne coustume, que moderne : & les faisons d’iceux.
Chap. XX.


CEluy qui n’aura eu moyen de se trouver es festins publics, & repas des grands seigneurs de diverses contrees, aura peine d’entendre, quel jugement ils ont de chasque espece de gibbier, comme aussi un grand seigneur qui ne s’est trouvé vivre par les petites tavernes, & cabarets entre les paisants, ne pensera qu’on y mange de telle maniere d’oyseaux, & par ce ignorera comme ils les estiment. Commençants donc à en parler par les oyseaux de proye, & sçachants qu’ils sont de nature plus aëree, & plus agile que les autres, dirons qu’ils sont communement maigres. Lon sçait par l’experience qui ha esté faite en Crete, que les petits des Vaultours desnichez d’un rocher precipiteux entre Voulismeni anciennement nommé Panormus, & la Cytie anciennement nommee Cytennine, se sont trouvez de moins bon manger, que d’un gras chappon. Et combien que les habitants pensent que les peres n’en vallent rien, pource qu’ils vivent de charongne, toutesfois il en est autrement : Car lon trouvera authorité de bons faulconniers, qu’un Sacre, Vaultour, & Faulcon ont esté trouvez bons à manger, & qu’estans rostis, ou boullis en guise de volaille, se sont trouvez de bon goust, & tendres. Lon voit journellement que si quelques uns se tuënt volants apres le gibbier, ou rompent quelque cuisse, ou aelle, que quelques Faulconniers les apprestent. Joint aussi qu’Aristote escrivant le septiesme chapitre du sixiesme livre de l’histoire de la nature des animaux, dit, Pulli etiam accipitrum suaves valde, pinguesques efficiumtur. Pline aussi au dixiesme livre de l’histoire naturelle, chapitre quarenteneufiesme, parlant des isles Baleares, a escrit, que les Bisarts sont en delices aux habitants de ce païs lá. Ibi & Buteo accipitrum generis (dit il) in honore mensarum est. Qui est chose conforme à ce qu’on pourroit raconter des Auvergnats, car il n’y ha homme tant en la Limagne, qu’en la montaigne, qui ne mange en hyver de la chair d’un Goiran, qui est espece d’Aigle. Somme qu’on peut maintenir que les oyseaux de rapine tant vieux, que jeunes, sont tendres. Il est bien vray que ce n’est pas la coustume d’apprester les plus nobles oyseaux de proye : car les hommes penseroyent faire chose de grand meffait, de les tüer expressement, comme sçachants qu’ils sont dediez pour le deduit, & passetemps de la noblesse, & aussi que le plus souvent sont de maigre charnure. Le peuple ha horreur de manger des Milans, Orfrayes, Cresserelles, & tels autres, d’autant qu’ils se paissent de viandes deshonnestes. Ce n’est pas la coustume, que les riches mangent les Ducs grands & petits, Hullotes, Hibous, & Cheveches, ne plusieurs autres oyseaux de ceste espece, qui ne vont que de nuict, si est ce que les paisants ne les espergnent quand ils les ont prins. Le petit du Coqu est d’excellent goust, & bon à manger, duquel les anciens, & Aristote au septiesme chapitre du sixiesme livre de la nature des animaux, ont fait grand cas. Les oyseaux qui ont le pied plat sont aussi jugez avoir quelque difference entre eux : car ils acquierent diverses temperatures, & saveurs selon leur demeure. Mais de tous la chair en est excrementeuse, & de difficile digestion, & pour exemple je mettray ceux qui font le plongeon.