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Et comme il y en ha plusieurs qu’on ne voit point en hyver, sinon prisonniers, aussi y en ha d’autres, qu’on ne peut voir en esté, sinon en cage. Il est manifeste que les oyseaux encor jeunes sont meilleurs, que quand ils sont des-ja vieux, comme aussi ceux qui sont d’aage competent, sont meilleurs que ceux qui sont des-ja beaucoup envieillis, hors mis le Coc, qui est souvent pris pour medecine. Tous oyseaux encor jeunes sont plus tendres & plus humides, & par consequent en sont plus glutineux, & plustost digerez. Les oyseaux qu’on ha rostis ou fris, en sont beaucoup plus secs, & le plus souvent plus savoureux. Ceux qu’on ha boullus, baillent le nourrissement au corps plus humide que des rostis. Lon mange les uns chaulds, les atures froids : car comme ceux qui ont esté rostis ont moindre humidité que les boullis, tout ainsi les boullis sont souvent de moindre saveur que les rostis : comme aussi quelques oyseaux refroidis sont meilleurs à manger aux hommes sains, & plus utiles en aucunes maladies, que s’ils estoyent chauds. Parquoy si quelcun en escrivant du temperament de la chair des oyseaux, se trouvoit en un païs, ou lon en mengeast de quelque espece qu’on ne trouve point ailleurs, & avenoit qu’on luy presentast de quelque oyseau masle des-ja vieil, & endurcy, il ne devroit pourtant conclure que la chair en est fibreuse, & dure, non plus qu’en parlant des petits encor jeunes, qui s’endurcissent & vieillissent, les juger de facile digestion. Parquoy fault principalement regarder deux choses, c’est à sçavoir si cest au jour de chair, ou de poisson : car comme les hommes entrent en diverses opinions pour leur vivre, aussi fondent les principes de leur religion en diverses manieres. Les Juïfs, Turcs, Grecs, Indiens, Perses, Georgiens, Latins, & autres plusieurs nations observent diverses manieres de faire en leur manger tant des poissons, que des oyseaux. Car comme nous avons quelques jours deputez pour les poissons, & deffences de ne manger de la chair, tout ainsi les Juïfs ont certains oyseaux, & poissons deffendus, qui toutesfois nous sont en delices. Nous qui avons nostre estre au rivage de la mer, employons nostre temps aux pescheries, pour recouvrer des meilleurs poissons : tout ainsi ceux qui habitent es regions mediterranees, s’estudient de prendre les oyseaux en diverses manieres, sçachants qu’il y ha grande election es gouts d’iceux. Mais comme ceux qui ont les pescheries de bon poisson de mer à leur commandement, ne se soucient trop de se nourrir des oyseaux, & animaux terrestres, comme appert par les seigneurs de Turquie, tout ainsi les hommes qui habitent es contrees esloignees de la mer, ne peuvent bonnement avoir delice en mangeant le poisson : toutesfois je veul attribuër tel refus, ou mespris de poisson, non pas pource qu’il est plain d’arestes, comme plusieurs ont pensé, mais à ce que communement on ne le sçait guere bien habiller en terre ferme : Car estant fade de soy, il ha affaire de forte saulce. Il peut donc grandement chaloir de quel ouvrier les viandes soyent apprestees. Car comme les cuisiniers peuvent donner grace de bonté à diverses especes de poissons, tout ainsi peuvent rendre les oyseaux de meilleur goust de les sçavoir bien apprester. Nous voyons mesmement, qu’on ne fait rostir aucun oyseau en nostre France, qui ne soit premierement broché de lardons, ou bardé tout à l’entour, ou entourné de fueilles d’herbes, comme aussi sembleroit trouver chose de trop mauvais goust, si nous avions failli à les avoir apprestez, & mangez sans saulse. Je di donc que tout ainsi comme les cuisiniers peuvent adoulcir la rude saveur du mauvais poisson par leur artifice, qu’ils peuvent aussi faire le mesme à l’endroit des oyseaux, qui sentent par trop