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changent selon diverses saisons de l’annee. Il en y ha plusieurs entre eux, qui muënt la couleur de leur plumage sans perdre la plume, telement que lon voit mesmes plumes estre d’une couleur en une saison, se changer soudainement en un autre, en sorte qu’on ha peine à les recognoistre. Les uns sont moult prompts à chanter, les autres sont tardifs. Il y en ha quelques uns qui ont leurs langues longues, larges, charnuës, & deliees, ausquels toutesfois nature n’ha permis pouvoir bien chanter, comme advient à toutes sortes d’oyseaux de rapine d’ongle crochu. Il y ha plusieurs oyseaux, & principalement les terrestres, qui se combatent pour l’amour des femelles, desquels les uns chantent en combatant, les autres avant le combat, les autres apres avoir vaincu. Le vray temps pour ouïr le plaisant chant des oyseaux est lors qu’ils sont en amours. C’est chose trop absurde de vouloir rendre raison pouquoy les Cocs chantent sur jour, la nuict, & avant le jour. S’il n’y avoit autre oyseau que le Coc qui chantast à nuict close, la nuict, & au point du jour, lon pourroit bien inventer quelque raison suffisante pour en prouver la cause. Mais sçachants que plusieurs autres chantent la nuict, & avant le jour, comme est l’Oye, les Sarcelles, l’Alouëtte, le Vanneau, le Corlis, le Pluvier, la Gruë, le Rossignol, la Perdris, & autres infinis oyseaux : il nous est advis qu’on n’en peut trouver autre raison, sinon que nature ha ainsi fait, les douants de ce qu’elle ha voulu en c’est endroit estre fait à son plaisir.

La saison en laquelle les oyseaux font leurs nids, leurs œufs, & s’acouplent.
CHAP. XVII.


A PEINE pourroit on trouver meilleure exemple pour faire apparoistre la providence de nature, & la sagesse du souverain conditeur tout puissant, que par la consideration de la nature des oyseaux. Car ayants le prim-temps determiné pour leur conjonction, nous ne voyons qu’ils transgressent son ordre, & ne s’entrecherchent sinon lors qu’ils doivent faire leurs petits, tellement que se tenants compagnie fidele, passent toute la reste de l’annee sans s’acoupler pour leur amour. Et d’autant que le sexe les fait estre de diverse nature, les masles des oyseaux de rapine sont communement plus petits que les femelles : mais tant masles que femelles sont plus convoiteux l’un que l’autre, c’est à dire que quelques masles sont plus convoiteux des femelles, & les femelles plus convoiteuses des masles. Touts ne chauchent pas leurs femelles en une maniere : car les uns tiennent la femelle contre terre, les autres la tiennent tout debout. Quelques oyseaux ponnent en toutes saisons de l’annee, les autres une fois l’an, au prim-temps tant seulement, les autres en hyver, comme aussi les autres deux fois l’an. Les uns ponnent moult grande quantité d’œufs, les autres en mettent peu. Les uns ne peuvent faire leurs nids sinon à terre, les autres sur hault arbre, les autres dens un arbrisseau, les uns en un creux, les autres dedens terre, les autres es rouseaux aux rivages des lacs, les autres entre les aspres rochers. Touts œufs indifferemment ont la coque, ou escorce dure, ayants une molle membrane au dessous qui enclost le moyeu & l’aubin. Le germe est manifeste en tous œufs : mais comme il y ha difference en leur couleur par le dehors, aussi voit on quelques uns estre differents aux autres par le dedens : Car les oyseaux de riviere ont le moyeu rouge, contraire aux terrestres