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& animaux qui n’ont point de langue. Car ce n’est pas le seul poulmon en plusieurs animaux qui fait que la voix est articulee, ains c’est la langue, les levres, les dents, & le palais, par le benefice des nerfs recurrents de la sixiesme conjugation, moderants les muscles qui serrent, & ouvrent le gavion, ou siflet des animaux : lesquels d’autant qu’ils sont plus sains, d’autant en est la voix plus entiere. Or les oyseaux qui ont le siflet assez longuet, & la luëtte bien proportionee, & sont douëz de membres propres à cest effet, ce n’est merveille s’ils sçavent chanter, & ont leurs chansons particulieres differentes les uns aux autres, ce qui n’est pas aux animaux de double vie. Parquoy l’homme curieux de sçavoir l’harmonie tant des corps celestes que vivants, ne doit prendre moindre estimation d’iceux, les oyant avoir divers tons de leurs siflets, que de l’accord des corps celestes, & concurrences d’iceux avec les substances terrestres : Car qui vouldra prendre garde aux oyseaux, & les ouïr attentivement, recevra un parfait sentiment de la douceur de leurs chansons gratieuses, non moins armonieuses que le ronflement des nerfs d’animaux estenduz sur divers instruments de musique, ou d’un vent entonné bien delicatement es dulcines d’iviere. Puis que lon voit que les artisants, & bourgeois des villes n’ont rien qui recree leur esprit ennuyé plus promptement, que le chant des petits oysillons qu’ils nourrissent en cage, aussi voit lon aysément que l’homme champestre, qui se plaist en leur chant, est en grand soulas, se trouvant en l’ombrage des petits arbrisseaux escoutant si plaisante melodie. Mais des oyseaux les uns ont meilleure voix, & chantent plus doulcement que les autres. Si est ce qu’il n’y en ha aucun qu’on ne puisse bien recognoistre par son chant. Les oyseaux de proye tiennent meilleure silence que les autres, toutesfois chascun à la voix particuliere, par laquelle on les peut discerner de loing. Parquoy l’observation que chacun peut faire sur la voix des oyseaux, donne enseignement de ceux qui vivent en chasque province. Nous n’entendons pas comme faisoyent les Arioles, ou Aruspices, qui faisoyent à croire qu’on pouvoit diviner par leurs voix. Nous en dirons plus à plain quand nous parlerons des divinations trouvees par les oyseaux. Seulement voulons entendre qu’on puisse cognoistre l’espece, c’est à dire, quel oiseau c’est, par sa voix, comme nous est quelques fois advenu d’avoir recognu les oiseaux vivre en des païs, esquels ne les eussions cerchez. Car cheminants tout exprés par maintes forests, telles fois entre les arbres de perpetuëlle verdure, & autres diversitez d’arbres sauvages, tant de plaines, que des montaignes, les oyseaux se sont maintesfois declarez à nous par leurs voix, en les oyant chanter : Car lors que le temps est serain, & qu’il tumbe quelque petite rosee pluvieuse, & principalement au cœur du jour, chasque oysillon se desgorge, & tenant sa perche chante melodieusement. Donc entant que touts oyseaux ont poulmons, & langues libres, peuvent exprimer leurs voix hautaines, ou basses, ainsi que font tous animaux, & l’homme. Il n’en y ha aucun qui puisse mieux proferer les paroles articulees, que l’oyseau : & entre autres ceux qui ont la langue tenüe & large, le sçavent beaucoup mieux faire. Les oyseaux masles sans en excepter aucun, chantent mieux & plus long temps que les femelles, Dont y en ha quelques uns en leurs especes desquels, la femelle ne chante aucunement. Ce n’est donc merveille si les oyseaux s’entr’entendent, se respondants les uns à la voix des autres, & interpretants en leur sens la signification du chant des autres : & s’entrerespondent ainsi qu’ils l’entendent. Aussi les oyseaux ramages muënt leurs voix, & la