Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/83

Cette page n’a pas encore été corrigée

de terre se jectent droit en amont, en ce contraires aux autres, qui ne peuvent s’eslever sans prendre course, ou bien qu’ils partent de dessus quelque hault tertre. Les autres volants semblent se laisser tumber, puis se relevent de roideur, quasi comme qui les auroit jectez par force.

La difference des voix des oyseaux.
CHAP. XVI.


PUIS qu’il est arresté que la voix vient des poulmons, comme lon prouve par ce que ceux qui n’ent ont point n’en font aucune, ce n’est de merveille, si les oysillons sçavent si bien chanter veu qu’ils les ont assez grands. Toutesfois touts animaux qui ont poulmons ne sçavent chanter, & faire voix. Car les Serpents, dont y en ha de plus de trente differentes especes, ont poulmons, qui toutesfois ne sçavent faire autre voix que sifler. Et les Tortuës, dont y en ha de six, ou sept especes, & qui ont moult grands poulmons, ne sçavent faire aucune voix nomplus que les Lesards, Stellions, & Chameleons. Encor vient autre doute sur ce passage assez difficile à esclaircir : c’est, qu’ayants maintenu qu’il fault que les oyseaux, & animaux aquatiques, qui ont poulmons, sortent souvent hors de l’eau pour venir respirer en l’air, ausquels si quelcun auroit attaché une pierre au pied (soit dit d’une Grenoille, d’une Loutre, d’un Veau, Loup, ou Chien marin, d’une Tortuë, d’un Serpent, d’un Plongeon, Cormarent, & tout autre oyseau nageant entre deux eaux) & l’auroit laissé long temps leans, qu’il se noiroit ne plus ne moins qu’un homme, ou tout autre animal à quatre pieds : & qui plus est, un Dauphin, qu’interpretons une Oye de mer, une Balene, un Chauldron, une Ouldre, un Marsouïn, & tels autres poyssons cetacees, se noiroyent en l’eau, s’ils estoyent detenuz une seule heure leans. Car comme avons dict, ils ont poulmons, & parce ont affaire d’inspirer & respirer en l’aer : car l’aer est tellement confus en l’eau que pour l’avoir pur, ils sortent hors, & en remplissent leurs poulmons, puis retournent en l’eau. Il est assez manifeste que les poyssons de double vie, c’est à dire les animaux qui vivent dedens & dehors l’eau, peuvent voir leans : car c’est un corps diaphane & transparent. Mais il n’est sans doubte, à sçavoir si les oyseaux nageants entre deux eaux, ou bien ceux qui ne mettent que la teste en l’eau pour se paistre, comme les Oyes, Cignes, Pelicans, Canes, & autres, y peuvent voir clair, comme quand ils sont dehors. Quant aux poyssons il est manifeste qu’ils voyent seulement en la diaphaneïte, & transparence : car quand l’on ha troublé l’eau, ils ne voyent aucunement. Mais j’oseroye bien dire des oyseaux, ou poyssons, comme des animaux qui vont de nuict. Car si bien nous entendons tous animaux saulvages aller la nuict, ce n’est pas à dire qu’ils puissent si bien voir, comme de jour : parquoy lon se peult assurer qu’ils vont partie à tastons, partie de ce peu de lumiere, telle que peuvent appercevoir les hommes, & chevaux, qui font leur chemin de nuict. Car ne les oyseaux qui se plongent, ne les animaux qui ont poulmons, & qui vivent en l’eau, ne cherchent leur pasture, quand la nuict est grandement obscure : & toutesfois on les apperçoit bien en ce devoir, lors qu’il faut clarté de lune. Les Marsouïns, Chauldrons, Daulphins, & Balenes ont poulmons, qui toutesfois n’expriment leur voix articulee, mais font seulement tel bruit que les muëts,