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La difference qui est au voler & marcher des oyseaux.
CHAP. XV.


L’HOMME contemplatif doit trouver le voler des oyseaux aussi esmerveillable que nulle autre chose qui est en nature : car encor que le voler se face par mouvement, & que tout mouvement est fait par un contraire qui luy est repugnant en force, toutesfois lon ne trouve qui est contraire à la force de l’oyseau en volant, que l’aer. Donc quelle repugnance trouve lon en l’aer à la force de l’oyseau ? Or il y ha deux especes de mouvements, l’un est volontaire, l’autre est forcé. Il n’est animal qui puisse engarder que ses arteres ne battent : c’est donc un mouvement forcé. L’autre qui est volontaire, est quand nous allons remuants quelque membre, qui est en nostre volonté de ne le bouger, ou de le remuër. Et comme le corps est fait pour le bien de l’ame, tout ainsi les membres sont pour le service du corps, & pour la commodité des ouvrages d’iceluy. De lá vient que d’autant que les membres servent à plus d’actions ou affaires, d’autant ont à servir à plusieurs mouvements. Et d’autant qu’un corps ha affaire de plusieurs membres, d’autant est il requis qu’il ait plusieurs instruments servants aux mouvements : mais au contraire, les animaux immobiles qui ne sont subjects à se remuër beaucoup, n’ont eu affaire de beaucoup de membres. Oultre les membres, les actions & mouvements des animaux, ont encor eu affaire d’une tierce aide, c’est à sçavoir des affections & passions, comme de voler & se remuër d’un lieu en autre, avoir soing de leur vivre, croistre, engendrer, inspirer & respirer, s’envieillir, veiller & dormir, & telles autres affections. Il fault donc mettre telle consideration en leur voler, comme d’une chose legiere portee en l’aer, & attribuër tel mouvement à la repugnance de l’aer contre la legereté des plumes qui le fendent, comme par force : car les plumes qui empongnent grande quantité d’aer pour la forme des aelles, font en leur endroit, comme noz pieds ça bas marchants dessus terre. Aristote dit que pour remuër l’un de noz membres, il fault que l’autre soit immobile : nous ne sçaurions mettre un pas en avant, sans avoir l’autre pied coy & affermé contre quelque chose, ne plier une articulation d’un membre, que l’os qui est prochain, ne soit immobile. L’exemple en est de celuy qui poulse ou tire une charette ou bateau. Les orages si violents qui desracinent les arbres, & poulsent les nefs si impetueusement, & touts autres vents, ont leurs mouvements tels qu’on pourroit dire de celuy qu’on fait sortir de la bouche, ou d’une sarbataine. Parquoy leur repugnance est en l’aer, non pas en la terre : car telles fois estants en plaine campagne de mer, avons veu les borasques des vents souffler tout à un coup seulement en l’endroict ou estions : (car tout autour de nous, voyons la mer calme :) desquels l’un nous laissant tout à un coup, en avions tantost un autre tout contraire & si fort impetuëux qu’il sembloit qu’il deust tout rompre. Lon ne peut dire que ce soit exalation de terre, veu que cela vient de l’aer. Lon voit ce mesme en terre ferme, que quelque vent sera violent en un endroict, & à un quart de lieuë de la, il n’y en ha aucunement. Il fault donc attribuër ce mouvement du voler des oyseaux, pour la plus part à la forme d’iceux. Lon penseroit en un mouvement circulaire