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ha enseigné aux Cicognes, Cailles, Millans noirs, & Hirondelles de se trouver seulement en temps d’esté en nostre Europe, evitans la chaleur violente des païs ou ils ne peuvent vivre l’esté, ou en Afrique, & Indie. Semblablement les Albanois & Vallaques sortent au printemps hors de leurs contrees, & vont demeurer tout l’esté par Turquie, ou ils gaignent quelque argent à recueillir les grains, & puis s’en retournent en leur païs en autonne, ou ils vivent tout l’hyver de l’argent qu’ils ont gaigné l’esté precedent. Les Hirondelles ne se pouvants tenir l’hyver en nostre Europe, tant pour la grande froidure, que pource qu’elles n’y trouveroyent pasture, s’en vont en Afrique, Egypte, & Arabie, & lá trouvants leur hyver quasi aussi à propos que nostre esté, n’ont faulte de mengeaille. Tout ainsi ceux qui habitent es summitez des haultes montaignes Pyrenees, comme aussi en quelques contrees d’Auvergne, Souïsse, & de Savoye, font en tout le semblable. Mais tout ainsi comme les Beccasses qui ne peuvent vivre en hyver sur les summitez des montaignes, que la glace, & la neige couvrent, descendent à la campagne, qui en ce temps lá est humide, & nourrist abondance de verms de terre, dont elles sont repües : tout ainsi les paisants des montaignes, delaissent leurs maisons, & viennent demeurer tout l’hyver en divers lieux des plaines, ou ils s’amusent à scier les bois, ou exercer autres divers mestiers. Cecy est manifesté par ceux des haultes montaignes d’Auvergne, & Savoye, qui vivent tout l’hyver les uns en Espagne, les autres en Italie, ou ils trouvent les durs bois des chesnes verds, & pouples pour scier, puis l’esté sentants les glaces, & neiges fonduës, retournent en leurs maisons, & lá s’amusent aux mols bois de sapin, pignets, & meleses, & tels autres qui leur donnent moindre peine. Tout ainsi les gruës que nous voyons communement l’hyver, ne se pouvants paistre es regions septentrionales pour la vehemente froidure, passent en noz païs : car la chaleur de l’esté qui ha deseiché l’humeur, les fait aller vers le Septentrion, ou la froidure est appaisee, & y trouvants pasture, y demeurent durant le temps chaud. Le mesme est de ces pauvres gents qu’on voit errer en toutes les contrees du monde, que nous pensons estre Egyptiens, ou Baumiens. Lesquels combien qu’ils soyent assez longue espace de temps sans retourner en leur païs, toutesfois estants leur langage Bohemine, qui est tont un avec le Vallaque, Esclavon, Sercasse, & Bulgaye, & qu’ils ont leur origine du païs de Vallachie, il semble qu’ils s’en retournent à la part fin en certain lieu deputé, dont ils sont partis. Car quelque tard qu’ils attendent ils s’en revont en leur païs. Mais tout ainsi comme il y ha plusieurs oyseaux qui sont contraints par necessité d’estre passagers, tout ainsi il y en ha d’autres qui sont contraints de ne bouger d’un lieu. Car comme lontl’ont voit certaines forests en quelques contrees esquelles croissent des arbres particuliers, qu’on ne trouve point ailleurs : tout ainsi il y ha certains oysillons vivants en icelles, & qu’on ne pourroit commodement nourrir ailleurs si on les y transportoit. Ce n’est donc merveille si nous ne pouvons avoir cognoissance de touts les oyseaux, dont Aristote ha fait mention aux livres De natura, partibus, & generatione animalium. Car comme diverses manieres d’arbres des païs d’Aristote, portent diverses semences, & fruicts, dont possible n’en avons de tels par deça : aussi les oyseaux nourris de telles semences n’en pouvants trouver ailleurs, sont contraints de se tenir constamment sans s’esgarer plus loing pour cercher leur mengeaille, non plus que plusieurs autres de la mer, des marais, & des lacs : esquels trouvants pasture conforme à leur nature, ne se peuvent