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l’autre. Car si contre ceste opinion lon alleguoit que ceux d’Europe ont difference aux autres d’Asie, & ceux d’Aphrique aux autres d’une autre region, la response est qu’une Hirondelle, Francolin, Perdris, Autruche, Paon, Poulle, Estourneau, & tout autre oyseau est de telle forme & maniere en un païs, comme en l’autre : & s’il y ha quelque difference, il la fault distinguer autrement, & l’entendre en toute son espece. Il y ha plusieurs passages en divers autheurs, & principalement en Galien parlant des facultez des medicaments, qu’on pourroit alleguer sur ce point contre nous, ou il dict que comme les hommes sont plus refaicts en une region, ils sont plus maigres en l’autre : mettant l’exemple des habitants d’Egypte, Ethiopie, & des autres païs chauds, hommes maigres & deliez : au contraire de ceux des regions froides de Galatie, Thrace, & d’Asie, mieux nourriz, de plus grande, & grosse corpulence : ou bien alleguer le sixiesme livre de Vitruve au premier chapitre, ou est traicté chose totalement conforme à ce qu’avons dit de Galien : car au commencement parlant tant des gents que des edifices, il dict, Nanque aliter AEgypto, aliter Hispania, non eodem modo Ponto dissimiliter Romae. Peu apres il adjouste, Sub Septentrionibus nutriuntur gentes immanioribus corporibus, candidis coloribus, directo capillo, & ruffo, etc. Parquoy il pourroit sembler par mesme raison que les bestes qui vivent en païs humide, sont plus grasses qu’en païs sec : & pourroit on dire, que tout ainsi peut advenir aux oyseaux. A ce la respondra lon pertinemment, qu’il n’est des oyseaux, comme des bestes terrestres : car les oyseaux retiennent leurs grandeurs plus constamment. Les Chevres vivants en Asie, qui portent la fine laine de camelot, sont de petite corpulence, & ont petites cornes à la comparaison des nostres. Les Moutons d’Auvergne de petite corpulence, ont le poil dur comme d’une Chevre, toutesfois la chair en est delicate. Ceux de Syrie sont plus grands & gras qu’en un autre païs, & ont la queuë grosse oultre mesure. Aussi touts animaux privez nourriz en Egypte, comme Bœufs, Boufles, Chameaux, sont grands & gras, au contraire de ceux d’Afrique, qui sont secs, & de petite stature : & les Chevaux d’Espaigne, & de Turquie sont plus minces & prompts que ceux d’Almagne, qui sont gros & lourds : & ainsi des autres. Mais les oyseaux sont autrement : car en quelque part qu’on puisse voir une Aigle, Ramier, Turtrelle, Roytelet, Phoenix, Corneille, tousjours sera une mesme corpulence : & s’il y ha difference, soit entenduë en toute l’espece du païs ou elles vivent : car une Oye, Chapon, Grive, & tel autre oyseau, peut bien estre autrement temperé en un païs qu’en l’autre, & de sa temperature en devenir plus gras, ou de plus grande corpulence : mais en advouant cecy, soit entendu qu’ils ne perdent rien de leurs couleurs formes & nature. Et pour n’aller si loing, nous voyons en noz païs mesmes, que les uns sont plus grands & les autres plus petits, les uns plus gras, & les autres plus maigres, selon qu’ils sont diversement temperez. Prenant donc chascun en particulier, tel est le Coc vivant en Afrique, que celuy d’Europe, ou d’Asie : car s’il y avoit difference, il fauldroit les nommer diversement, & en faire distinction en toute son espece, & dire, comme avons parlé des hommes & autres animaux. Celuy qui sera desireux de vouloir observer la juste grandeur des oyseaux cognus, & incognus, aille les regarder sans plumes, & des-ja prests à manger, au moins s’il en veult faire certain jugement : car il advient souvent, qu’ayant seulement veu un oyseau revestu de ses plumes, pensera qu’il soit de moindre, ou plus grosse corpulence qu’il n’est.