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que leur matrice s’ouvrist : car lors qu’elles sont pregnantes, elles espandent leur humeur tout ainsi comme quand elles sont vuïdes : mais estants pregnantes, leur matrice est exactement close, & toutesfois ne laissent à mettre hors leur humeur. Parce fault penser qu’elle n’ha pas issuë par la cavité de la matrice. Aussi voyons nous les Poulles & touts autres oyseaux avoir les œufs ja formez en leurs portieres, & pondre touts les jours, & toutesfois estre chauchees des masles. Il est donc à presupposer, que ne la semence des masles n’entre jusques à l’œuf, ne celle de la femelle n’ha issue par celle cavité ou est l’œuf. Ce propos nous servira quand ferons comparaison de la nature des animaux qui rendent le petit en vie, les conferant avec les oyseaux, & autres bestes qui ponnent les œufs. Les bestes qui engendrent l’animal ja parfaict, ont le commencement de leurs generations plus pur & parfaict que ceux qui rendent l’œuf, qui ont à faire de chaleur exterieure pour le faire esclorre. Il n’y ha gents de quelque condition qu’ils soyent, qui ignorent que le commencement des choses est premierement en nature qu’en quelque matiere substantielle. Parquoy tout animal masle se conjoingnant avec sa femelle, envoye l’esprit en la matrice avec sa semence. Car combien que le poisson, l’oyseau, le serpent, le papillon, & tout autre insecte rendent l’œuf immobile, & quasi comparé à une semence d’arbre : ce neantmoins il est tout manifeste, que la puissance & la vertu vitale y est actuëllement, en sorte que le poisson, ou autre animal insecte, oyseau, ou serpent, qui aura ja mis ses œufs hors, les pourra faire esclorre, & devenir animal vivant, en leur administrant seulement quelque peu de chaleur, à l’exemple des œufs de Poulles, Canes, Oyes, & autres oiseaux, qu’on peult faire esclorre d’une chaleur exterieure que nous y aurons temperee, sans que l’animal qui l’aura ponnu le retouche jamais : comme aussi les œufs des serpents sont esclos de la chaleur de quelque fumier. Si donc l’esprit y est puys apres suscité par la chaleur, à quoy attribuera lon la vie de l’animal ? ou à la chaleur, qui est cause de les faire esclorre, ou à la matiere qui s’est trouvee preparee en l’œuf, dont est engendré l’animal ? Nul corps quel qu’il soit, je dy vegetatif, ne se peut remuër & nourrir sans ame. Parquoy il fault attribuër telle puissance à touts deux. Pourquoy est-ce qu’il ne peut estre rien engendré des œufs des Poulles, des Canes, Paons, & Oyes vierges, comme aussi ceux des poyssons, qu’on nomme Ova Arenida, ou Arenulentae, & les Grecs Psatyra, sinon qu’ils ont faulte de l’esprit, c’est à dire de la semence du masle ? Car il n’y ha aucune matiere qui sans esprit se puisse disposer à prendre forme. La semence des masles qui rend le petit en vie, entrant en la matrice des femelles, n’y faict pas grand sejour, qu’elle ne s’y couvre d’une pellicule deliee, tellement qu’on ne trouve pas grande difference du premier commencement des animaux qui envoyent leurs petits en vie, à ceux qui rendent leurs œufs. Car qui les regarde leans avant qu’ils ayent la coque dure, les voit attachez comme à un lien. Mais la difference se manifeste au sortir : car les œufs ont l’escorce dure, & les animaux en vie ont leur delivrance ou arriere faix mol. Donc tout ainsi comme il fault que le petit nay en vie, soit alaicté longue espace de temps de la mammelle, jusques à ce que les dents luy soyent creuës, aussi fault que les oyseaux abechent leurs petits jusques à ce que les plumes leur soyent venuës. Puis qu’il est ainsi que touts oyseaux prennent naissance de l’œuf, il est necessaire escrire quelque chose de leur nature. Chascun sçait que les œufs de Poulle sont meilleurs à manger que touts autres, & que c’est l’une