Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour estre preparez à recevoir la semence des masles, il fault penser que sans telle preparation, elles seroient steriles. Les masles peuvent aussi bien avoir certains accidents par lesquels ils sont steriles. Parquoy avons voulu escrire avec Aristote, que puis que les corps des femelles sont preparez par tel moyen, nature leur ha assemblé quelques humeurs en la matrice pour entretenir la semence du masle quand il la luy ha envoyee. Pourquoy est-ce que plusieurs femelles, bien disposees, & promptes à bien executer le devoir des termes de generation, encor qu’elles n’ayent de fault ne de leurs purgations, ne de l’humeur seminale, toutesfois ne peuvent estre engrossees ? Des-ja ne pouvons mettre le defaut en la faulte des deux excrements servants à la conception, c’est à sçavoir ou à leur vapeur de semence, ou aux purgations. Parquoy fault accuser leur temperature qui n’est bien disposee à recevoir la semence du masle. L’exemple en est aussi es oyseaux. Car lon voit advenir que quleques Poulles sont steriles, c’est à dire qu’elle ne ponnent aucuns œufs qui vaillent rien à couver, & toutesfois on les ha veuës avoir esté couvertes du Coc, ce neantmoins demeurent infecondes. Donc suyvant l’opinion d’Aristote, la semence des femelles ne sert rien à la conception. Car au quatriesme chapitre du second livre de la generation des animaux, il escript en ceste maniere. Humorem autem qui à foeminis cum voluptate emittitur, nihil ad conceptum conferre dictum est ante. Sed potissimum inde videri potest, quod ut maribus, sic & foeminis accidat noctu per quietem, quod pollutionem appellant. Puys apres il dit : Res it a se habet, ut sine maris emissione concipi impossibile sit, atque etiam sine menstruorum excremento, quod aut redundans effluat foras, aut intus satis sit. C’est à dire que telle humeur ou vapeur, que les femelles rendent avec volupté estants acompagnées des masles, ne sert rien pour la generation de leurs petits. Nous avons allegué cest exemple de l’homme, pour le referer au naturel de touts autres animaux : desquels ne pouvons mieuls declarer la nature de leurs semences par figure, que par la semence des plantes. Ne cognoissons-nous pas qu’un grain de bled, ou semence d’arbre humectee, devient enflee avant que jecter son germe ? Ce seroit pour neant de le semer en terre, si elle n’est preparee, & bien temperee pour le recevoir. Car si on le seme en terre qui n’ait humidité suffisante, le germe de la semence se deseiche par faulte de nourriture, & aneantit du tout. Comme au contraire si le grain trouve lieu à propos, alors il espand ses racines, cherchant l’humeur en terre, & quant & quant il forme ses fueilles, & envoye ses rameaux en l’aer, à fin que prenant augmentation, sa plante croisse de jour en jour, & se conduise jusques à sa fin. Et sa fin est de produire son fruict, & le meurir en perfection. Car la terre baille corps aux plantes, & les semences baillent la matiere. Il fault imaginer tout ainsi comme les semences des plantes sauvages apportees d’estrange païs, semees en terre autrement temperee que la leur, sont quelque peu abastardiës pour la nature du lieu, & diversité du climat : que semblablement quand les oyseaux, & autres animaux de diverses especes du genre prochain, s’assemblent avec les autres especes d’animaux d’autre genre, font leurs petits communs à touts deux, c’est à dire aux deux differentes especes : mais retournants à se mesler avec les diversitez, dont ils ont prins origine, ils rengendrent les mesmes animaux semblables à leurs premieres especes. Parquoy comme les semences produisent telles plantes, que celles dont elles ont esté cueillies, aussi les animaux prenants augmentation de la semence de leur sexe, deviennent à la part fin tels que ceux