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Discours touchant les conceptions & generations des oyseaux, & autres animaux, mises en comparaison de celle de l’homme, à l’encontre de l’opinion du vulgaire.
CHAP. VI.


CEST endroit s’est trouvé opportun, pour mettre beaucoup de choses en avant, que possible plusieurs pourront trouver problematiques, & contre l’opinion du vulgaire : joinct que sera à propos contre ceux qui nous ont pretendu reprendre sur quelques passages des choses observees en la matrice tant des femelles du Dauphin, que de quelques autres poyssons. Car comme nous oyons plusieurs opinions entre le vulgaire, tenuës d’un chascun comme pour vrayes, qui toutesfois sont faulses : tout ainsi n’y ha celuy entre nostre populaire, qui ne pense que les Lievres masles portent comme les femelles. Si cela estoit vray, nature sembleroit avoir esté inique : sçachant qu’il n’est possible que les masles ayent les membres propres pour la conception, comme ont les femelles, non plus qu’elles n’ont de mesme ceuls des masles. Icy ne comprendrons les Hermaphrodites autrement nommez Androgynes, qui sont monstres en nature, & qui sont imparfaicts, defaillant en un sexe, ou en l’autre. Car si bien quelques animaux se trouvent avoir apparence de sexe de femelle, ce n’est pas à dire que leur conduict parvienne jusques à quelque cavité interieure qui leur soit donnee pour matrice, non plus que les autres ayent les membres des masles parfaicts. Qui veit onc que tels Hermaphrodites ayent engrossé, & esté engrossez ? & s’ils ont engrossé, ils ne sçauroyent estre engrossez. Ce n’est pas à dire que s’ils ont un conduict de femelle, & l’instrument de masle, que touts deux soyent acomplis selon l’ordre de nature. Parquoy il est impossible que quelque animal sanguin prenne origine autrement, que par la conjonction du masle, & de sa femelle. Possible que ceste opinion du vulgaire en l’endroit des Lievres n’estoit point anciennement au temps d’Aristote : car il est à presupposer qu’il en eust fait mention, si elle y eust esté. Il est bien vray qu’il ha dict choses en cest endroict qui sont à ce propos. Car ou il escript que les Lievres femelles saultent le plus souvent les premieres sur les masles pour s’emplir de leur semence : Ce n’est pas chose qu’on ne puisse mettre en consideration en l’exemple de ce que peuvent faire les femelles sur les masles. Pour monstrer que ce discours n’est mis en avant sinon à bonne occasion, fault premierement voir la version du texte du second chapitre du cinqiesme livre de l’histoire d’Aristote de la nature des animaux. Verum non omnia (dit il) simili modo conjunguntur : sed que retro urinam mittunt, aversa coëunt, ut Leones, Lepores, Lynces. Leporum etiam foemina saepenumero marem prior supervenit. Ne veult il pas entendre en cecy que la femelle saulte sur son masle ? la preuve en est facile. Il fault sçavoir que le genital des Lievres se tient caché en son fourreau, tout ainsi comme celuy d’un Dauphin : & parce l’entree est quasi semblable à celle de sa femelle, qui est située en mesme endroict : mais qui l’entrouvre, apperçoit son membre leans, lequel on peut pinser, & tirer hors à la maniere de celuy de touts autres animaux. Il n’est donc mal aysé que sa femelle saultant sur luy, & luy trouvant son genital tendu contre mont oultre