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ne peut comprendre que par imagination & longue observation d’iceux. C’est ce que dit sainct Paol au commencement de son espistre aux Romains. Les choses inuisibles de Dieu faictes des la constitution du monde, ont esté cogneuës par les choses visibles. Si donc la diversité & ample constitution des choses naturelles est si admirable, ce n’est merveille si l’ordre de la difference des genres a voulu faire les animaux de diverses especes, & avoir leurs naissances dissemblables, & les membres differents, & vivre des aliments en diverses manieres, & estre affectees de maints accidents : & de mœurs differentes, & que le temps de vivre soit inegal aux uns plus, aux autres moins : & leurs corpulences arrestees ou plus grandes ou plus petites : & prendre diverses formes, couleurs, voix, & esprits, & offices differentes, & que des leur naissance, ils sont disciplinez & sçavants pour la conservation de leur vie, & changer de place quand il en est besoing. Desquelles choses si la consideration en est contenuë en Physiologie, il faudra estendre sa definition plus loing, que d’avoir seulement esgard à la constitution de l’homme, la ou il la faudroit aussi estendre à celle de tous autres animaux & des plantes, & oyseaux. Il est beaucoup plus facile à observer les mœurs des animaux qui vivent longuement, que des autres dont la vie est plus courte : mais pource que ne traicterons en particulier que des oyseaux en cest œuvre, c’est assez d’en avoir faict comparaison des uns aux autres, pour en avoir telle inteligence qui puisse servir à nostre propos. Il est donc difficile que celuy qui se met à contempler les mœurs des animaux, ne trouve infiniz exemples assez suffisants à l’induire & esmouvoir à vertu, & luy donner l’intelligence de plusieurs subtilitez, desquelles l’esprit humain ne se pourroit bonnement adviser. Qui croiroit que les hirondelles & autres petits oysillons, qui demeurent seulement l’estè en nostre Europe, peussent avoir si tost basty leurs nids, & avec si grande industrie ? Il n’y a homme qui ne doibve estre incitè à son devoir par l’exemple de la diligence des oyseaux passagers, qui en moins de trois jours & trois nuicts ont passé d’Europe en Afrique. Qui leur apprend l’election des vents propices à cest effect, & choisir l’endroit du ciel pour l’eslever en l’aer, & ne faillir leur chemin sans guide, sinon nature ? Aussi est-ce elle qui les y conduit, & qui leur consent avoir amitiez & inimitiez, c’est à dire concorde & discorde, que les Grecs nomment Sympathie & Antipathie, desquelles à peine sçauroit-on trouver la raison, non plus que de plusieurs autres choses dont tout le monde est en propos. Si donc nous mettons en avant leur guerre, leur paix, leurs haines, concorde, assemblees, & discorde, & qu’on en cerche la raison, autre chose n’en sçaura lon dire, sinon que tel a esté le plaisir de nature, qui est ouvrage caché en elle, se resentant autant de la majesté divine que nulle autre chose que les hommes puissent exprimer par escript. Mais puis que toutes choses sont pour l’utilité de l’homme, nous aurons moindre admiration d’en ignorer la raison, ne pourquoy c’est que le petit Roytelet est ennemy de la Cheveche, & de l’Aigle, & que le Loriot, & Charadrios guerissent la jaunisse de ceux qui en sont malades, pour les avoir regardez ? ne pourquoy les Chardonnerets sont ennemis des Alouettes ? Et l’Epeiche de Pics verds ? La Tourtrelle mene guerre avec le Loriot, le Loriot avec le Jay. Puis donc que tous animaux ont quelque particuliere affection d’esprit, on les trouve aussi participants de sagesse, de folie, de force, de diligence, d’amour, de paresse, de douleur, & fierté, comme aussi de docilité, & rudesse d’esprit. Les femelles