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que boire, manger, dormir, & engendrer. Mais au contraire, les hommes bien naiz, douëz de meilleur courage, faisants actes vertueux, & ouvrages dignes de leur immortalité, n’ont difficulté à se rendre enclins en la contemplation des haults faicts de l’Eternel qui a creé toutes choses, sçachants que le principal devoir de l’homme, est de louer ses faicts, & avec grande admiration considerer l’excellence de ses œuvres, & ne cesser de magnifier les choses qu’il entend exceder la capacité de son entendement, lesquelles la providence de ce grand architecte ha voulu estre faictes à l’utilité de la vie humaine, & des autre animaux. Si nous confessions que l’esprit de ceux qui s’addonnants & travaillants aux choses haultaines, & se ravissants sur la contemplation des choses magnifiques, ait merité estre participant du bien de quelque divinité : il nous fauldra aussi advouër qu’un tas d’hommes ineptes, encores pires que les Epicuriens, & qui ne se sont arrestez que sur les choses mondaines, & terrestres pour maintenir leur gresse, & pour avoir leur pance fournie, n’ont merité avec toutes leurs grandeurs & honneurs terriens, qu’on face estime d’eulx non plus que d’une beste terrestre donnee en proye aux autres animaux. Desquelz si quelques uns s’apprestoient à dire, que paindre & descrire un oyseau ou animal cogneu d’un chascun, est ouvrage ou il n’y a erudition : leur response est, que souvent leurs semblables mesprisent la cognoissance des choses dont ilz sont ignorants. Mais les hommes sont faicts les uns pour l’utilité des autres, & que biensfaicts se referent des uns aux autres. Toutesfois comme est il possible que eux qui ont consumé leur vie en volupté sans travail & sans apprendre quelque science, puissent rien sçavoir : Confessent donc qu’ils sont inferieurs en discipline à ceux desquels ils peuvent bien estre enseignez, & qui ont plus travaillé qu’eux pour les apprendre. Soit que leurs possessions terriennes les font vivre plus à leur ayse, aussi c’est tout ce qu’ils ont de bien, lequel lon estimera tousjours inferieur en dignité, au bien de l’esprit. Ceci soit dit en mespris de certains hommes indignes du bien qu’ils desdaignent. Toutesfois pource que leurs jugements ne sont arrests de court souveraine, qui ayent pouvoir d’oster un seul brin de la louange de de ceux qu’ils blasment, il n’en fault faire cas. Car pour gents qui veulent apparoir heroïques & excellents en sçavoir, seront trouvez indoctes & indignes des honnestes presents, si lon decouvre leur ignorance. C’est qu’en leur monstrant quelque singularité de l’ouvrage memorable de nature, demandent soudain à quoy telles observations singulieres pourront profiter : car telles gents ne trouvent rien precieux, que ce qui leur est de contant en valeur. Ne croira donc le lecteur, qu’ils ont faulte de bon esprit : S’ils estoyent si modestes, comme ils veullent qu’on croye qu’ils sont, ils prendroyent peine d’entendre à quelle fin les anciens excellents Philosophes, & hommes sçavants, ont escript des choses produictes en nature. Aristote, & Theophraste, & plusieurs autres qui ont traicté de telle matiere, ont esté si diligents observateurs des exterieures, & interieures parties des animaux, & des plantes, qu’ils les ont regardees par le menu, & fait anatomie d’iceux. Donc tels ignorants sont ils point esmerveillez de la patience qu’ont ceux qui apprennent les langues estrangeres à force de les estudier : Demandent aux Geometriens & Astrologiens que leur sert d’estre si curieux d’observer le cours des astres, & le mouvement des cieulx : ne quelle recompense a eu Alexandre de tant d’argent qu’il a fait delivrer comptant à Aristote, & Theophraste, qui l’ont despendu au pourchas