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l’ha mis le premiër en degré apres l’Autruche. Si est-ce, quelque chose qu’il en die qu’il ne l’approuve grandement : car il ha dit en autre endroit : Quippe inter prima proditis etiam ex cineribus Phoenicis, nidoque medicinis, ceu vero id certum esset atque fabulosum. Toutesfois pource que la difficulté est grande à prouver, que c’est le Phenix que descrivons, il est necessaire adjouster ce que trouvons en Pline, ou choses semblables. Les oyseaux d’Ethiopië, & d’Indie (dit il, au IJ. ch. du X. livre) sont pour la plus part de diverses couleurs qu’on ne peut bonnement dire. Mais le Phenix d’Arabië entre tous autres est excellent : ne sçachant si c’est fable ce qu’on dit, qu’il n’y en ha qu’un en tout le monde, lequel on ne voit pas beaucoup. Lon dit qu’il est de la grandeur d’une Aigle. Les plumes qui sont autour de sont col, sont de couleur resplendissante sur l’or. Le demeurant du corps est de couleur purpuree. Sa queuë est entre couleur de blauez, & distinguee de plumes de couleur de roses. Le dessus de sa teste est embelly de la forme de creste de plumes eslevees. Tout cela, ou choses semblables ha raconté Pline touchant le Phenix : mais des paroles qu’il dit encor suyvantes au mesme chapitre, il semble que les autres autheurs, & principalement Aristote, le nomment Cinamonus. Combien que le mesme Pline parle aussi du Cinanomus, Manilius (dit Pline au mesme passage) homme tres diligent enter les hommes Romains de robe longue, ha esté le premiër qui en ha escrit en Latin. Cestuy tres grand senateur, excellent en sçavoir, sans avoir esté aprins par aucun enseigneur, ha dit, qu’il ne s’estoit trouvé homme, qui eust veu un Phenix mangeant : & qu’il vit en Arabie six cents & soixante ans, estant consacré au Soleil : mais que se sentant envieilly, il compose son nid de rameaux de casse odiferante, & de rameaux d’Encens, lequel il remplist d’odeurs, & meurt lá dessus : & que des os & moëlle il naist premiërement un petit verm, dont puis est engendré le poulsin du Phenix. Et aprers que les habitants ont fait les funerailles du Phenix mort, ils emportent son nid en Panchaye, en la ville du Soleil, & la ils le mettent dessus l’autel. Aussi le mesme Manilius escrit, que la conversion de la grande annee se fait avec la vie de cest oyseau : & que de rechef les significations des temps, & des estoilles retournent estre les mesmes, qu’elles ont esté au paravant : & que ceste annee commence à midy, quand le Soleil entre au signe d’Aries. Et que telle conversion, c’est à dire revolution se demonstra en l’an deux cents & quinze, estants P. Licinius, & M. Cornelius consuls à Rome. Il seroit difficile de pouvoir entendre ce que Pline ha dit de la grande annee, si ne la faisions sçavoir. Nous mettrons donc ses paroles Latines, pour les declairer. Cum huius alitis vita magni conversionem anni fieri prodidit idem Manilius, iterumque significations tempestatum, & syderum easdem reverti. Cecy & pris de la sentence des Egyptiens, qui ont trouvé par la computation de leur Astrologie, qu’apres que treze mil ans feront escheuz, le monde retournera à son premiër : qui est cela que Pline nomme la grand annee : mais c’est à l’imitation de Platon, comme aussi de plusieurs autres qui la nomment Annum vertentem.

FIN DU SIXIESME LIVRE.